25 juillet 2012

Football aux Jeux Olympiques : les Bleues de 2012 comme… les Bleus de 1984 ?

Lors des J.O. de Los Angeles en 1984, les Bleus accrochèrent la médaille d’or à la surprise générale. Vingt-huit ans après, l’équipe de France féminine est une des favorites des olympiades londoniennes. Et il y a bien des similitudes entre ces deux équipes bleues…

La cérémonie d’ouverture des J.O. aura lieu vendredi soir, mais pour certains, les Jeux commencent aujourd’hui.

Ce mercredi à 18 heures, les Bleues débutent leur tournoi en affrontant… les tenantes du titre américaines (vainqueurs en 1996, 2004 et 2008). Celles-là même qui, il y a pile un an, avaient mis fin à leur inattendue épopée en Coupe du monde.

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Mais depuis ce 13 juillet 2011, les footballeuses françaises sont portées par une très forte vague de sympathie, infiniment méritée.

Révolu semble ce temps où, devant l’indifférence des médias, la Fédération française de football lançait une campagne de promotion en faisant poser nues quatre joueuses de l’équipe de France, avec ce message : « Faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ? ». Dénudées, les Bleues attirèrent plus encore que prévu… sans mettre en valeur leurs qualités sportives. Le sélectionneur Bruno Bini déclarait alors :

« Nous n’avons jamais eu autant de demandes d’interviews que depuis la publication de ces photos. Ça prouve qu’on est dans un monde de machos et de “beaufs ». »

 

Sarah Bouhaddi, Gaëtane Thiney et Corinne Franco (Copyright photo : Agence hémisphère droit)

Révolu, mais récent : c’était en 2009…

 

Deux élans, deux symboles

Cette vague de sympathie pour les joueuses, l’essor médiatique de l’équipe de France féminine, les très bons chiffres d’audimat, l’état d’esprit qu’elles sont en train d’insuffler au sein même de la FFF, et enfin le beau jeu qu’elles déploient, tout cela nous rappelle quelque chose.

Nous rappelle 1982-84. Cette période où, quelques années après une légende verte, une génération de Bleus pratiquant un jeu de rêve fit entrer le foot dans l’histoire de France à Séville… et gagna les Jeux Olympiques en 1984 !

Que mon propos soit clair : il ne s’agit pas ici de comparer de foot féminin et le foot masculin. Ca a déjà été fait depuis 2011. Y compris par moi. Il s’agit de comparer deux naissances. Des équipes de France qui, chacune avec ses moyens et dans un contexte spécifique, offrirent de nouveaux élans et d’autres symboles.

 

Rewind

L’été 1984 fut le plus beau du foot français. Deux ans après la tragédie de Séville, l’équipe de France souleva deux trophées internationaux. Songez que la France n’en avait jamais soulevé, ni en sélection ni en clubs, et vous prendrez l’ode à la joie.

Le 27 juin 1984, au Parc des Princes à Paris, les Bleus de Michel Hidalgo remportaient l’Euro. Un mois et demi plus tard, le 11 août, au Rose Bowl de Pasadena, les Bleus d’Henri Michel battaient le Brésil et devenaient champions olympiques de football. Deux victoires par 2 à 0. Henri Michel, qui allait succéder à Hidalgo à la tête des Bleus de Platini (et battrait à nouveau le Brésil en 1986).

 

Ces Bleus de Californie (les finalistes : Rust, Bibard, Ayache, Zanon, Rohr, Jeannol, Bijotat, Lacombe, Lemoult, Xuereb, Brisson ; mention spéciale pour José Touré, le sublime joueur nantais, qui, relevant à peine de blessure, disputa une partie du tournoi… et se blessa à nouveau) n’étaient pas les mêmes que ceux qui emportèrent l’Euro car le règlement d’alors voulait que ne disputent les olympiades que ceux qui n’avaient encore jamais disputé une Coupe du monde ni ses éliminatoires. Les mauvaises langues dirent que la médaille d’or française devait beaucoup au boycott des JO par l’URSS et ses alliés (réplique du boycott américain aux J.O. se Moscou quatre ans plus tôt), mais n’empêche : les Français étaient médaille d’or. Deux trophées, un même élan, et une racine : Séville 82.

Sept points communs…

Entre ces Bleus-là et les Bleues de 2011-12, sept points communs peuvent raisonnablement faire croire à une victoire olympique des footballeuses françaises le 9 août :

  • Une demi-finale de Coupe du monde : à croire que c’est dans la culture sportive française, de tomber en demi, les armes à la main, après avoir été la surprise de la quinzaine. Ce petit quelque chose comme un acte manqué, la peur de gagner, la hantise de soi-même et de sa force. En 1982, Séville fut la fin éveillée d’un rêve improbable, mais fut aussi la naissance d’une légende, et surtout la possibilité d’une victoire finale. Du coup, comme on l’a vu, de victoires il y en eut deux. En juillet 2011, l’équipe de France ne disputait que sa deuxième phase finale de Mondial (la Coupe du monde féminine est née en 1991). Et, point commun avec ceux de 82, elle perdit en demi, 3-1 contre les Etats-Unis. Ce, après obtenu très belle qualification aux tirs aux buts face aux Anglaises –et perdu contre l’Allemagne en poules-.
  • Un sélectionneur charismatique : la victoire olympique des Bleus d’Henri Michel est un ricochet du rêve bleu de la bande d’Hidalgo&Platini.; Le jeu et l’esprit très ouverts qu’offrent par les Bleues sont aussi le fruit du travail d’un homme : Bruno Bini, sélectionneur depuis 2007.
  • Un essor générationnel, avec point d’impact : Platini, Giresse, Genghini, Tigana, Fernandez, Rocheteau, Battiston, Six, Bats, Ettori, Janvion, Bossis, Amoros, Lopez, Lacombe : c’est la génération de 1950. Une génération exceptionnelle, née avec les épopées européennes stéphanoises ; certains en furent acteurs, d’autres contemporains. Une génération qui avait su laisser Platini à la baguette, et Hidalgo à son autorité. Chez les Bleus d’après Zidane, tout le monde veut être chef et personne ne respecte le sélectionneur. Les Bleues de Bini, elles, sont d’âges un tantinet plus disparates (de 25 à 38 ans pour les titulaires), mais se sont également révélées au cours d’une Coupe du monde surprenante, conclue par une défaite héroïque : 2011. Le voilà, le liant. Ceux de 1982 gagnèrent deux ans plus tard. On ne voit donc pas pourquoi celles de 2011 perdraient.
  • Une énorme envie de joueur : début XXe, les
    hommes allaient voir les femmes jouer car c’était pour eux l’occasion de voir des jambes légèrement dénudées. Début XXIe, si de plus en plus de spectateurs, et de téléspectateurs, regardent les femmes jouer, c’est… parce qu’elles jouent. Le jeu des Bleues repose sur une fraîcheur, un mouvement et des passes permanents, un esprit d’attaque qui tranchent avec le jeu figé des Bleus depuis que les meneurs ont préféré l’amour du fric à celui du jeu. Le style de celles qui iront aux J.O. ressemble beaucoup à celui de leurs aînés de 1984 : simplicité, efficacité, mouvements, beauté, spectacle. Des valeurs qui lièrent les Bleus d’Hidalgo et de Michel, et qui lient les femmes de Bini.
Sandrine Soubeyrand
  • Une meneuse : Hidalgo avait intronisé Platini. Bini a une capitaine : Sandrine Soubeyrand, malheureusement blessée actuellement. Et il a une meneuse intenable : la très très talentueuse Louisa Necib, surnommé « la Zidane de l’équipe de France ».
Louisa Necib
  • Un contexte économique nouveau : il y a trente ans, en France, le football était toujours considéré comme une occupation de beaufs à R12 volant moumoute. Cependant, certains joueurs étaient devenus des figures recherchées par la publicité, comme Platini et Fruité. Depuis, le ballon rond rime aussi avec millions. Et la monnaie est passée à l’Euro. Si les contrats partenaires, publicitaires et sponsorings divers des joueuses est sans commune mesure avec celles des joueurs (387 500 € de recettes sponsorings annuelles pour l’équipe de France féminine, 62.2 millions pour sa comparse masculine -chiffres France Football), le foot-business a tout de même réagi à l’essor du foot féminin. Notamment en faisant signer des contrats individuels à quelques-unes : ainsi Sandrine Soubeyrand, Gaëtane Thiney, Laure Lepailleur et Bérangère Sapowicz sont-elles en contrat avec Carrefour.
  • La télévision : durant les grandes années vertes, Saint-Etienne remit les Français devant la télé à l’heure du foot. La génération Platini fut celle qui fit du football, aussi, une messe télévisuelle. Si le bleu et le vert n’existaient sur aucune palette, vous auriez eu la mire à la place de Téléfoot. Depuis 2011 est arrivé l’impossible : Direct 8, France 4 ou Eurosport retransmettent en direct des matches féminins. 400 000 téléspectateurs regardèrent France-Japon la semaine dernière. 2,4 millions d’entre nous avaient suivi la demi-finale de l’an dernier (les deux sur Direct 8).

 

… et un avantage

Enorme, l’avantage que les Bleues ont sur leurs prédécesseurs de 84. Il repose sur les clubs.

Dans la France du début des années 1980, le foot tricolore moderne reposait sur quatre épopées vierges :

  • Le stade de Reims de Raymond Kopa
  • La bande à Kopa-Fontaine en 1958
  • Les Verts de 1976
  • Bastia 1978

Des finales, des demi-finales, des buts, des héros. Mais ni trophée ni jour de gloire arrivé.

Les coéquipières de Thiney, elles, peuvent s’appuyer sur une histoire tout à fait louable du foot féminin en France (ce serait un autre article), mais surtout sur une histoire validée. Non pas par un, mais deux titres européens. Les deux Champions League remportées par l’OL en 2011 et 2012, qui font suite à la finale de 2010.

L’OL est le seul club professionnel du foot féminin hexagonal, mais il est surtout le meilleur club européen. Son ossature offre une bonne partie de celle de la sélection, autour de Bouhaddi, Bompastor, Renard, Franco, Georges, Abily, Necib, Bussaglia, Le Sommer ou encore Thomis.

Ca, les footballeurs ne l’ont jamais eu.

Alors, vraiment, on ne voit pourquoi, le 10 août, les Bleues ne retraverseraient pas la Manche avec de l’or dans les valises, et dans les souvenirs.

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