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05 avril 2021

"Hippocrate 2", au chœur des urgences

Il y a pile un an, nous les applaudissions tous les soirs à vingt heures. Ce lundi 5 avril, les urgentistes et les réanimateurs sont à l’honneur de la nouvelle saison de la série Hippocrate. Rarement une fiction sera aussi bien tombée. D’autant que c’est encore une belle réussite. 

Après le succès mérité de la première saison, en novembre 2018, la série "hospitalière" revient à point nommé ce lundi 5 avril. Revoilà donc Chloé Antovska, Alyson Lévêque, Hugo Wagner et Arben Bascha, le quatuor d’internes incarnés par Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud et Karim Leklou. On retrouve aussi la cheffe du service de réanimation, Muriel Wagner et la directrice de l’hôpital, interprétées par Anne Consigny et Géraldine Nakache. Un casting qui s’enrichit d’un nouveau chef tatoué et charismatique.

Aux frontières du réel, toujours


Bien qu’elle n’aborde pas l’épidémie de Covid-19, on y pense forcément. C’est encore une fois la force de cette série : aborder de front le problème majeur du système hospitalier français – son démembrement, engendré par la logique ultra-libérale – avec une foison d’illustrations fictives qui, venant du terrain, sont suffisamment universelles pour ne pas avoir besoin de citer l’actualité réelle.  

On le sait : le projet Hippocrate (appelons-le ainsi) est comme un développement du film Hippocrate (2014). Les deux sont réalisés par Thomas Lilti, médecin généraliste et réalisateur. En 2016, il raccrochait la blouse pour se consacrer au cinéma. 

 Le tournage de cette nouvelle saison a débuté le 20 janvier 2020, comme la précédente au Centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger (Seine-Saint-Denis), nommé Centre Raymond-Poincaré dans cette fiction. Il a été interrompu par la crise de la Covid, entre mars et juin. Lilti s’y est alors engagé comme médecin bénévole. Le tournage a repris après le premier déconfinement, en juin.
Entre temps, la réalité avait (encore) rattrapé la fiction.

En plein troisième confinement, Hippocrate devient plus encore la fiction idéale pour nous immerger dans le contexte hexagonal. Qui donne encore plus de sel à la dimension sociale de la série. Qui accroît sa dimension réaliste (si besoin était).

On se rappellera ironiquement que la première saison racontait l’arrivée de nos quatre mousquetaires internes (Chloé Antovska, Alyson Lévêque, Hugo Wagner et Arben Bascha, donc) dans un hôpital qui était… en quarantaine. Un des chefs de l’établissement avait contacté un virus, renvoyant chez eux les médecins titulaires du service de médecine interne. Notre quatuor inexpérimenté allait devoir faire bloc.
La fin du premier acte voyait Chloé Antovska côtoyer la mort. Et Arben Bascha contraint de lâcher ses partenaires. On ne divulguera pas ici le secret qui l’y forçait, car il irrigue aussi cette nouvelle saison. 


On ne spoilera rien, en revanche, en révélant qu’Antovska est de retour au service de médecine interne. Mais avec des séquelles : trous de mémoires, et une main qu’elle ne peut plus utiliser à cent pour cent. Une des trames de ces huit nouveaux épisodes sera de la voir recouvrer toutes ces facultés (ou pas), et de convaincre sa hiérarchie qu’elle pourra exercer.
Bascha, lui, est devenu secouriste à l’ordre de Malte. C’est pour un sauvetage de patients intoxiqués qu’il reviendra à Poincaré.
Le quatuor va être reformé.

Prévenons d’emblée : pour suivre le fil des relations intimes, amicales et professionnelles entre les protagonistes dans cette saison 2, il faut avoir vu la première.

(Voir la bande-annonce)



Distinguer les vies sans faire le tri


Dès le premier plan, on est immergé. A la suite de l’éclatement des conduites d’eau aux urgences, celles-ci sont inondées et doivent déménager à l’étage de médecine interne. Celui de nos quatre héros. Qui vont être obligés de prendre en charge des cas pour lesquels ils ne sont pas formés. Dans un service qui n’est pas adapté. Chloé, Hugo et Alyson sont placés sous l’autorité d’un nouveau personnage : le docteur Olivier Brun (interprété par Bouli Lanners). Une nouvelle fois, nos protagonistes sont placés dans une double urgence sanitaire et administrative. Qui constitue l’arche dramatique des débordements passionnels, des missions vitales, des nouveaux enjeux psychologiques et/ou amoureux entre les internes, les urgentistes, les titulaires, mais aussi tous les accidentés qui arrivent là. 

Vocations, passions et engagement, ces idéaux dont le propre est d’être de long terme sont, comme toujours, sans cesse entravés par des enjeux de très courts termes : sauver des vies. Il faut aussi distinguer la gravité (ou pas) des causes qui amènent les gens aux urgences. Il faut sentir quand un signe clinique cache une cause psychiatrique. Ici, on ne fait pas le tri.
Si cette saison 1 voit une affluence de personnages, elle voit aussi une sur-affluence aux urgences. Cette saturation est malheureusement fidèle aux faits (on n’ose imaginer ce que donnera, ou donnerait, une saison 3 qui traitera de la Covid). Mais on pourra regretter qu’elle en vienne à boucher l’existence des personnages secondaires, à commencer par ces infirmières-chef qu’on avait vues à la saison initiale, et qu’on aurait aimé mieux sentir dans celle-ci.

Néanmoins, le scénario parvient à retomber toujours sur ses pieds. Notamment par ces sas que deviennent la cantine et l’internat. Notamment par l’évolution borderline d’un autre interne, Igor Jurozak (joué par Théo Navarroc-Mussy). Notamment grâce à la fougue du jeune Wagner. Grâce à l’étrangeté de Chloé, dont on ne saisit jamais trop le jeu mais c’est tant mieux. A la radiation d’Arben, plus transperçant encore. Et, aussi, à ce docteur Brun, cette sommité à tatouages qui planque un lapin géant (!) dans un coin de son service : Boulil Lanners l’interprète comme s’il jouait une divinité nordique, et on passe la saison à se demander si ce gars-là est un modèle alternatif de diable ou bien d’humanité. 



Hippocrate, ou le bon sens de la vogue des séries médicales


Sans jamais surjouer l’alarmisme, Hippocrate montre à nouveau ces humanités étranges, réelles, alternatives, celle de gens toujours entre trop de patients. Qui, sous ces sempiternels et glabres néons qui parfois lâchent, doivent trouver et montrer cette fameuse "lumière au bout du tunnel" - refrain de ce printemps 2021 -.

Depuis les années 1990, en France comme partout, les séries "médicales" sont devenues un genre à part entière des séries télé. Pêle-mêle, citons Urgences, Dr House, The Good Doctor, Chicago Med, The Knick, voire H ou Grey’s Anatomy. Chacune a une fonction de divertissement précise, certaines ont un vidée pédagogique, réaliste. Certaines penchent du côté dérégulé et néo-libéral du système hospitalier.
Hippocrate a bien des atouts, et l’un d’eux est d’être une série qui montre sans dénoncer. Il est donc des fois où, dans les histoires aussi, les faits se suffisent à eux-mêmes. 





Hippocrate, Saison 2
Création originale Canal +
8 x 52 mn
Crée et réalisée par Thomas Lilti
Scénario et dialogues : Anaïs Carpita, Claude Le Pape et Thomas Lilti, avec la collaboration de Mehdi Fikri, Julien Lilti, Charlotte Sanson
Produite par Agnès Vallée et Emmanuel Barraux pour 31 Juin Films, En coproduction avec Les Films de Benjamin
Avec : Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Karim Leklou, Zacharie Chasseriaud, Bouli Lanners, Anne Consigny, Géraldine Nakache
2021
Diffusion sur Canal + à partir du 5 avril, les lundi à 21 h, deux épisodes par soirée. Disponible ensuite sur myCanal




07 janvier 2021

"The Good Lord Bird", la mini-série pré-Guerre de Sécession qui tombe bien

 

Ce mercredi 6 janvier au soir, des "Dixie Flag" confédérés ont été brandis par des pro-Trump qui ont envahi le Capitole. L’ancien drapeau des Etats sécessionnistes, symbole de la suprématie blanche et esclavagiste, souvent utilisé comme emblème par l’extrême-droite outre-Atlantique. 

Le funeste évènement donne un éclairage d’autant plus actuel à la mini-série historique The Good Lord Bird, diffusée à partir de ce jeudi sur Canal Plus. Une adaptation fidèle du roman de James McBride, qui lui avait valu le prestigieux National Book Award en 2013. Une histoire de ces deux Amériques qui, de la guerre de Sécession à hier, s’affrontent encore et toujours. 

 

"Brown n’a pas mis fin à la guerre contre l’esclavage, mais il a déclenché la guerre contre l’esclavage", vous dira un des protagonistes. Si vous connaissez l’histoire américaine, vous savez qui était John Brown . Si vous la connaissez peu, vous aurez l’occasion de le savoir.
Cet activiste abolitionniste (1800-1859), passé à l’action violente, pour qui une impitoyable lutte armée s'imposa comme la seule solution afin de libérer les esclaves de leur condition. Un possédé se croyant missionné par Dieu sur Terre, que sa pendaison transforma en martyr de la cause et de la civilisation. Visionnaire pour les uns, archange armé pour les autres, fanatique pour certains et terroriste pour d’autres encore – parmi lesquels le futur président Lincoln, pourtant abolitionniste aussi -.

Henry David Thoreau lui vouait grande admiration, et écrivit son éloge funèbre. En France, depuis son exil à Guernesey, Victor Hugo écrivit une lettre ouverte, publiée par la presse européenne et américaine (Lettre sur John Brown, reprise dans les Actes et paroles. Pendant l'exil (1859)). Plus près de nous, Pourfendeur de nuages de Russel Banks (1998), traitait de son histoire, qu’il faisait raconter par un de ses fils.

Le roman de James McBride…


Paru en 2013 aux Etats-Unis, traduit en 2015 en France, L’Oiseau du Bon Dieu est le troisième roman de James McBride. Le dernier à ce jour, d’ailleurs. Il valut à l’auteur le prestigieux National Book Award en 2013.
Peut-être aviez-vous rencontré McBride, venu à plusieurs festivals et salons du livre en France au milieu des années 2010. Pour ma part, j’ai animé quelques rencontres desquelles il était invité, et je me souviens l’avoir vu… en concert, pour les Mots Doubs à Besançon en 2015. Car cet écrivain, scénariste et compositeur est aussi musicien de jazz. Et son œuvre romanesque (débutée en 2002) nous plonge au cœur de ses racines et de celles d’une Amérique qui n’a pas fini d’exhumer les fantômes racistes et esclavagistes. En septembre 2016, Barack Obama lui décerna la National Humilities Medal.

C’est le cas de L’Oiseau du Bon Dieu, porté par la voix narrative d’Henry Shackleford, un jeune afro-américain, esclave et fils d’esclave dans une petite ville du Kansas. Nous sommes en 1856, dans une période qui commence à sentir la guerre de Sécession. Un jour, son père est tué devant lui. Devant, aussi, un certain John Brown, présent lors de cette scène. Allez savoir pourquoi, Brown croit qu’Henry s’appelle Henrietta. Persuadé que cet ado aux traits fins est une fille, il la libère et l’emmène avec lui. "Elle" fera parti de son armée de l’ombre. "Elle" devra vivre avec cette menace, et avec ce mensonge sur son identité. Double menace qui forme un des suspenses du livre. L’autre, c’est la trame véridique et historique : les dernières années du combat de Brown et des siens. Cette armée de pacotille aux grandes idées et aux victoires ric-rac. 


Un roman dans la pure tradition historico-politique des romans sur la période, à laquelle on ajoutera la verve narrative, le rythme frappant, les dialogues acérés et l’humour subversif de McBride (sur les Blancs comme sur les Noirs).  

… Et une adaptation aussi fidèle que bienvenue


Adapté de ce roman, la série éponyme a été diffusée en octobre dernier sur Showtime, aux USA. C’est une création de Mark Richard et de Ethan Hawke, ce dernier interprétant lui-même le rôle de John Brown. McBride a travaillé le scénario avec lui. D’où le fait que les sept épisodes suivent le roman quasiment à la lettre. Cela ravira celles et ceux qui l’ont lu : le livre est bien incarné. Cela ravira celles et ceux qui ne l’ont pas lu : ils seront saisis par la voix et par le personnage de Henry « Echalotte » Shackleford. Superbement interprété par Joshua Caleb Johnson, un quasi-débutant saisissant de justesse. D’autant que, comme dans le livre, il est protagoniste et narrateur, ce qui est une gageure d’interprétation à l’écran.

(Voir la bande-annonce)

     

Pour sa part, Ethan Hawke en fait parfois des tonnes. Il a tendance à surjouer le vieux guerrier possédé, bigot, qui demande à tout le monde de réciter la Bible. Mais il convient de dire que tel est le personnage du roman initial. Que l’acteur a compris dans beaucoup de ses méandres et de ses erreurs. Y compris cette cécité à certaines choses, comme devant cette bizarrerie : comment a-t-il pu prendre Henry pour une fille ? L’a-t-il cru, ou l’a-t-il préféré ? Chez les réalisateurs comme chez McBride, vous ne le saurez qu’au final. 


Cette méprise, trouvaille du romancier pour ajouter de la fiction à l’Histoire (celle de Brown) nourrissait la dimension picaresque du récit, et son utilité saute aux yeux de façon plus forte à l’image. Car elle introduit un doute, un trouble, mais aussi une métaphore complexe sur les liens qui peuvent unir ou opposer les opprimés aux libérateurs issus de la même classe (les propriétaires blancs abolitionnistes d’alors) que leurs oppresseurs. Elle entoure aussi le personnage de Brown d’une couche de ridicule, de too much, à travers laquelle Hawke semble s’être régalé. 

 

On comprend pourquoi ce dernier a voulu porter le roman à l’écran. Dans le dossier de presse de la série, il revendique :
"Quand j’ai lu le livre de James McBride, le climat politique ambiant de haine faisait écho à l’époque encore plus difficile à laquelle se déroule le livre. Le roman ne traite pas de politique mais de l’humanité en chacun de nous, ça m’a touché et j’ai voulu le partager avec les gens. Et cela m’intéressait d’interpréter ce personnage de l’Histoire américaine qui n’avait jamais été adapté en fiction […] En surface, la série parle de race, mais à travers le regard de de garçon qui s sent obligé de se travestir, c’est en réalité la question de l’identité qui est centrale : l’identité entant que nation, en tant que personne"



Avec ses scènes d'action savamment soignées, avec sa trame véridique (Brown) et fictionnelle (« Echalotte »), et sa B.O. entraînante, The Good Lord Bird rappellera aussi bien O’Brother des frères Coen que Django Unchained de Quentin Tarantino. Elle rappellera aussi les meilleures fictions littéraires sur les mêmes thèmes, ou la même période ; les classiques (Mark Twain), les modernes (Toni Morrison), les récentes (Colson Whitehead). 

 

Pour sa diffusion française, Canal a eu la bonne idée de garder le titre original : The Good Lord Bird.

La mini-série prend encore plus d’impact, si besoin était, depuis les évènements de ce mercredi 6 janvier 2021 au Capitole de Washington.



The Good Lord Bird. 7 épisodes de 52 mn.
Diffusion : à partir du 7 janvier, les jeudis à 21 h. 2 épisodes par soir. Disponible en intégralité dès le 7 janvier sur myCanal.
Crée par Mark Richard et Ethan Hawk, adaptée du roman de J. McBride
Réalisée par Albert Hugues, Kevin Hooks, Darnell Martin, Haifaa Al-Mansour, Kate Woods, Michael Nankin
Avec Ethan Hawke, Joshua caleb Johnson, Nick Eversman, Beau Knapp, Maya Hawke, Mo Brings Plenty, Jack Alcott, Ellar Coltrane, Hubert Point-Du-Jour…  

L’Oiseau du Bon Dieu de James McBride, disponible en poche chez Gallmeister / Totem - trad. François Happe, 480 p, 11.50 €

24 novembre 2020

"Cheyenne et Lola" : folle équipée et sororité chez les Ch’tis

Rencontre du polar féministe, du récit de libertés confinées, des histoires de petites frappes, de la fiction sur cette fameuse "France périphérique", avec en prime un regard à la loupe sur les migrant.e.s : Cheyenne et Lola, la série qui débute sur OCS ce 24 novembre, est une merveille de série noire.



 

Forcément, on pensera à Thelma et Louise et à Bonnie & Clyde, pour les duos en cavale. On pensera aux films de Ken Loach ou de Bruno Dumont, pour le réalisme social et décalé. On pensera aussi à Fargo, pour l’utilisation des décors. On pensera enfin au Quai de Ouistreham de Florence Aubenas.
On a l’impression d’avoir déjà vu Cheyenne, d’avoir déjà vu Lola. D’avoir déjà lu et vu des héroïnes comme elles. En fait, non. Pas comme ça. Cette nouvelle série assemble le polar social, l’aventure de solidarité entre femmes, et le polar de gangsters (locaux). C’est une série qui plaira aux férus de tous ces genres-là.

L’histoire 

Elle se déroule dans le nord de la France, sur les bords de la Manche. Sortie de prison après avoir purgé une peine pour complicité dans un braquage, Cheyenne vit dans un camping. A trente-cinq ans, elle recommence sa vie, elle est tatoueuse à ses heures, et son rêve est de s’établir comme tatoueuse professionnelle au soleil. Au Brésil. Pour ça, elle accumule les heures de ménage : dans des maisons et des hôtels, mais aussi sur les ferries assurant la liaison avec l’Angleterre. Ce rêve trouve sa racine dans une volonté : prendre ses distances avec son mari, homme violent, toujours incarcéré, qui refuse le divorce. Ce rêve, c’est sa survie.

Cheyenne est une enfant de la région. Elle a grandi dans une famille catégorie "cas sociaux". Sa demi-sœur, Mégane, fait elle aussi des ménages, et assouvit sa soif de reconnaissance à travers son blog libertin, qui lui vaut l’aura des mâles du coin. Elle fricote aussi avec la petite truanderie locale.
Celle que Cheyenne n’a connu que trop. Rapport à son passé, à son mari. Car depuis que celui-ci est au trou, un autre caïd contrôle tous les trafics : prostituées, drogue, et aussi les migrants. Yannick Bontemps a tout le monde à sa botte, y compris sa femme Babette, qui tient tous les comptes. Jusqu’à ce qu’elle se mette à vouloir les régler…

Et la Lola du titre, dans tout ça ? Elle est le moteur à emmerdes. Pour tout le monde, enfin presque. Et pourtant, tout le monde lui dit : qu’est-ce qu’elle est belle… Mais beaucoup ne voient que ça, chez cette bimbo hyper sexy, frivole, addict au shopping et à Instagram. Elle se révèle vite une fausse ingénue, et complice idéale pour sales coups.  
Débarquée dans la région pour suivre son amant, un coach fumiste en "positive attitude", elle se retrouve vite mêlée à un meurtre. Se retrouve vite au milieu du panier de crabes et des trafics du coin.
Elle a mis son destin dans ces engrenages.
Tous les engrenages de Bontemps.

Elle et Cheyenne deviennent celles qu’on cherche, celles qu’on veut. Celles qu’il faut choper (dans tous les sens du terme). Qui en savent trop. Mais qui demeurent indispensables – vous verrez pourquoi -.

(Voir le teaser) 

 

Toutes les couleurs du noir


A partir de là, chacun des personnages décrits dans ce résumé auront l’occasion d’avoir un coup d’avance. Vous verrez ce qu’ils en feront.
Ajoutez au puzzle un flic amoureux, une hiérarchie corrompue, des femmes de ménage exploitées, des guerres de clans et de familles, du passé qui s’en va et qui revient : vous avez le tableau d’un polar du tonnerre.

Chacune des pièces est interdépendante, car les protagonistes principaux comme secondaires ont plusieurs facettes. En cela, Cheyenne et Lola respecte ce code propre à tous les bons romans et films noirs : tous les personnages ont un côté clair et un côté obscur. Ni bons ni méchants, ni victimes ni suspects, mais un peu de tout ça. D’ailleurs, l’ultra-réalisme de la série ne verse dans aucun misérabilisme (psychologique, social, victimaire).

Bien des codes du genre noir sont là, brillants. On appréciera ici l’écriture de Virginie Brac, qui fut une autrice de huit (bons) polars, et dont on garde un souvenir précis de Cœur-Caillou en 1997, puis Tropique du pervers et Notre Dame des barjots en 2000 et 2002 (avec son personnage de Vera Cabral, psychiatre urgentiste). Elle est depuis devenue scénariste, qui a écrit la saison 2 d’Engrenages, participé à la saison 4, et crée plusieurs séries dont Les Beaux Mecs ou Tropiques amers.

Toutes les nuances du noir sont là, parce que chaque protagoniste existe suffisamment pour les faire vivre. Chacun a sa place dans la dramaturgie, et chacun acquiert une certaine densité car il incarne un petit quelque chose de particulier dans la variété des thèmes traités : sort des migrants, trafics des migrants, violence domestique (sur les femmes et sur les enfants), exploitation salariale, aléas économiques d’une entreprise de ménage, tabous familiaux, petits et grands trafics dans un coin pommé mais ouvert, amours contrariées, sororité, solidarité, fatalité.  

Cheyenne, Lola et les autres


On sait bien que le décor est un personnage, dans ce genre-là. Cette saison 1 a été tournée entre Cherbourg, Le Touquet et Dunkerque. Eshref Reybrouck (Undercover sur Netflix, c’était lui), réalisateur de cette première saison, a su donner parfois des airs de rêve à des paysages lugubres et aussi maudits que le destin des personnages.

On est secoué par l’interprétation subtile de la Belge Veerle Baetens, remarquée entre autres dans le film Alabama Monroe de Felix Van Groningen en 2013. Sa Cheyenne oscille entre le fatalisme, l’héroïsme, la solidarité, l’abattement, et un certain humour caustique.

On apprécie hautement les compositions d’Alban Lenoir en jeune flic, de Patrick d’Assunçao en caïd local, de Sophie-Marie Larrouy en demi-sœur nympho et terrible, de Natalia Dontcheva en Babette fatale.

Et on est saisi par le rayonnement et l’envergure que Charlotte Le Bon donne à Lola. Depuis qu’elle s’était fait connaître en miss Météo puis en chroniqueuse au Grand Journal sur Canal+, la pétillante Québécoise a enchaîné une petite vingtaine de films devant les caméras. Elle parvient à jouer une sorte de cagole du Nord, un personnage plein de double-fonds et d’énergies aussi contraires que les vents - du nord, justement -. Toujours là quand il faut mais rarement là où il faut, elle donne à cette saison 1 la fausse naïveté qui équilibre à merveille la solidité fêlée de Cheyenne. On voit ces jours-ci, sur les réseaux sociaux, à quel point elle fut en joie d’incarner cela. 

Cheyenne, Lola et les autres, sont de sacrés personnages. Cheyenne et Lola est une sacrée série. La première saison débute ce mardi, et son autrice Virginie Brac m’assurait que la suivante était déjà à l’étude.  




Cheyenne et Lola. 8 épisodes de 52 mn
Diffusion sur OCS Max à partir du 24 novembre, 20h40. Puis à la demande
Créée et écrite par Virginie Brac
Réalisée par Eshref Reybrouck
Avec Veerle Baetens, Charlotte Le Bon, Patrick d'Assumçao, Alban Lenoir, Sophie-Marie Larrouy, Natalia Dontcheva,…


01 novembre 2020

"Possessions", la série qui vous gagnera

Vous prenez un réalisateur assez littéraire (il avait adapté Westlake en 2004 dans "Je suis un assassin"), une écrivaine française d’envergure (Valérie Zénatti). Vous y ajoutez Reda Kateb, Nadia Tereszkiewicz, Ariane Ascaride, et vous obtenez cette mini-série à grand suspense qui débute demain : "Possessions". 


 

Nous n’avons pas eu le temps de nous remettre de la première, que voici déjà la saison 2 des confinements généralisés. Trop tôt. Aussi, avant de recommencer à s’occuper de livres (attendons la décision concernant l’avenir des librairies dès demain, 2 novembre, qui va influer sur la façon d’on nous parlerons des livres), le Pop Corner reparle Séries. Celles qui sont de fiction. Celles qui ne menacent pas la culture pas une quelconque fermeture. Et pourtant, il est bien question de murs et de fermetures, dans "Possessions", série qui n’hésite pas à montrer ces murs, si longs, qu’ont érigé les gouvernants israéliens pour isoler encore plus les territoires de Palestine. Où un épisode fait une incursion.

Il s’agit d’une mini-série, plus précisément, dont la diffusion débute ce lundi 2 novembre sur Canal Plus. Une production franco-israélienne qui réunit

  • Shachar Magen, auteur de la série "Sirènes"
  • Thomas Vincent, que les férus de romans noirs connaissent pour avoir adapté "Le Contrat" de Donald Westlake en 2004 : c’était "Je suis un assassin", avec Karin Viard, François Cluzet, Anne Brochet et Bernard Giraudeau. Les fans de séries le connaissent pour avoir travaillé sur "Borgia", "Tunnel" ou encore "Versailles
  • Valérie Zénatti, écrivaine française, traductrice de l’hébreu, prix du Livre Inter 2015 pour "Jacob, Jacob" et prix France Télévision 2019 pour "Dans le faisceau des vivants". Elle a co-écrit "Possessions" avec Shachar Magen


(Voir la bande-annonce) 



Pour la chaîne et pour son label Création originale, "Possessions" se situe dans la lignée de "Nox" ou de "Jour polaire". Pourtant, le cadre est plus sensible : Israël. Plus explosif : les Français faisant leur aliya, deux familles juives pratiquant leur religion de façon rigoriste, une police israélienne très laïque, et parfois la question des colonies sur le territoire palestinien. Quand on sait qu’un des deux personnages majeurs, Karim (interprété par Reda Kateb) est vice-consul de France à Tel-Aviv, et que son simple prénom éveille la suspicion sur certains lieux où va le mener cette enquête qu’il n’aurait jamais dû mener, on saisit que le moindre ingrédient, ici, est pesé et penser pour exploser.

Ça s’appelle le suspense…


Effectivement, Karim, diplomate, va franchir les limites et les règles de son statut. Car comme tout le monde, il est fasciné, troublé, effrayé par Natalie (Nadia Tereszkiewicz), cette toute jeune Française expatriée qui se marie dès la deuxième scène. Juste avant cette scène, vous devrez faire attention à deux détails, deux moments, que nous ne révélerons pas ici… Voilà comment "Possessions" s’ouvre sur un mariage qui tourne… au bain de sang. Pourquoi ? C’est toutes l’histoire, ici.
Toujours est-il qu’au moment de couper le gâteau, quelqu’un a tranché la gorge du marié. Que Natalie a le couteau en main et la robe souillée de sang. Que quelques personnes fuient. Bref, tout accuse Natalie. A raison, ou à tort, ou peut-être les deux. Le crime a ceci de commun avec le monde de la finance que celui qu’il est souvent l’œuvre d’une main invisible, souvent plus essentielle que celle qui tient le manche (ou le couteau).

Le crime aussi, a ses voies impénétrables, et d’est bien en leur sein que vont nous mener ces six épisodes. Religion, crime passionnel, violence conjugale, tabous familiaux, jalousies, beauté fatale de Natalie : tout est impénétrable, tout dysfonctionne, rien ne se dénoue, et pourtant il y a ici deux policiers qui vont bien devoir y parvenir.

Suspense et réalisme

Vous l’aurez compris : en des temps confinés, "Possessions" ne vous fera pas rigoler. Mais le suspense est un art qui remplit son rôle de divertissement intelligent : on réfléchit, on s’effraie, on participe, et on se divertit. Nous sommes ici entre le thriller, le polar procédural, le roman sur le sacré, avec une sacrée touche de récit politique.
Réalisé et raconté à fleur de réel, "Possessions" montre la vie quotidienne de quartiers loin de Tel-Aviv : kibboutz, fermes, quartiers isolés. Certains personnages taillent la route, pour enquêter ou bien pour fuir. Pendant qu’ils avalent les kilomètres, la caméra filme ces murs de la honte qui isolent les territoires palestiniens.

Chaque épisode nous fait découvrir une facette d’un des personnages. De façon à nous faire penser que, peut-être, cette fois on le tient. Et puis… Et puis ça recommence à l’épisode suivant. Le suspense joue aussi sur un code classique : l’attraction-répulsion entre victime et bourreau(x)..
La tension dramatique, elle, nait aussi de cette opposition toujours montée en épingle entre rationnel (l’État israélien, le Consulat de France, la police, la laïcité) et irrationnel (deux familles dont les pratiques religieuses semblent appartenir au XIXe siècle, des pères et des mères. Une opposition qui est au cœur de tous les polars récents situés en Israël (de Batya Gour à Yshaï Sarid en passant par Alexandra Schwartzbrod ou Dror Mishani), et qui n’est pas une mince affaire, pour qui fait œuvre de fonction dans une contrée militairement, politiquement et religieusement aussi dangereuse que l’État d’Israël.   

La possession pourrait donc être de nature religieuse, de nature sectaire, de nature paranormale et psychiatrique. Ce sont des hypothèses autant que des enjeux.


(Image Canal Plus)

Performances d’acteurs

On signalera la composition de Dominique Valadié, Ariane Ascaride (mais vous dire en quoi serait spoiler). On regrettera que Tchéky Karyo interprète avec trop d’effacement un personnage, certes effacé, mais qui aurait mérité plus de contrastes. On soulignera les compositions de Reda Kateb, mais aussi, bien sûr, de Nadia Tereszkiewicz, découverte récemment dans le film "Seules les bêtes" (adaptation littéraire) ou dans la série "Dix pour cent", qui est ici parfaite dans l’équilibre entre les côtés clair et obscur de la force (base narrative originelle de la tragédie antique et d’un de ses descendants : le thriller).

On comprend pourquoi, à cette heure, la chaîne américaine HBO l’a d’ores et déjà achetée pour l’adapter.


"Possessions". 6 épisodes de 52 mn.
Diffusion à partir du 2 novembre sur Canal Plus. En intégralité dès le 2 novembre sur myCanal.
Création originale Canal Plus
Créée par Shachar Magen. Ecrite avec Valérie Zénatti.
Réalisée par : Thomas Vincent
Avec Nadia Tereszkiewicz, Reda Kateb, Noa Koler, Dominique Valadié, Ariane Ascaride, Judith Chemla, Aloïse Sauvage, Tchéky Karyo, Tzahi Grad, Roy Nok…



A voir sur le même thème, et sur la page YouTube du Pop Corner :
>> "Les Lumières de Tel-Aviv" : chronique vidéo pour 233 Degrés, printemps 2020
>> "Etgar Keret" - Un recueil de micronouvelles et une série télé", chronique vidéo pour 233 Degrés, printemps 2020 

A voir ailleurs :
>> Entretien Zoom avec Dror Mishani, à l’occasion de Quais du Polar "virtuel", avril 2020

06 septembre 2020

"Engrenages" saison 8 : comment bien nous dire adieu (garanti sans spoiler)

"Engrenages", c’est bientôt fini. Comme plusieurs séries phares en 2020, année clap de fin pour "Homeland" outre-Atlantique, "Le Bureau des légendes", "Dix pour cent" et peut-être même "Baron noir" en France.  

Mais "Engrenages", c’est parti. Ce lundi débute, sur Canal +, la saison 8, annoncée comme la dernière, d’une série qui en quinze ans est devenue la meilleure série policière hexagonale. Reconnue à l’étranger : récompensée par l’Emmy Award de la meilleure série dramatique en 2015, et vendue dans soixante-dix pays. 


Le 5 octobre prochain, après les épisodes 9 et 10, voire même avant pour celles et ceux qui visionneront les 10 épisodes sur myCanal, une page sera tournée. L’occasion de déguster les derniers épisodes.


        (Voir la bande-annonce)



 Comme toujours, mais autrement


Plus de juge Roban (mise à la retraite à la saison 7), plus de procureur Machard, plus de Tintin (précédemment passé à l’IGPN, laquelle est absente de cette saison après avoir fait tout péter durant la précédente), mais deux nouveaux personnages majeurs : 

  • la jeune Lucie Bourdieu (Clara Bonnet), nouvelle juge au TGI de Paris, brillante mais inexpérimentée
  • Cisco (Kool Shen), braqueur à l’ancienne, toujours sur le point de se faire avoir, mais toujours plus fin que ses ennemis. Il est "à l’ancienne", un peu comme Gilou Escoffier (Thierry Godard, de plus en plus intense) du côté policier


Ça tombe bien : la fin de la saison 7 avait vu celui-ci tomber. Pour protéger son histoire d’amour avec Laure Berthaud, il avait endossé seul les dérapages ripoux commis à deux. Incarcéré, il va saisir une perche que lui tend Brémont (Bruno Debrandt), le commissaire de la Crim’ : se rapprocher de Cisco, détenu au même endroit, en échange d’une possible réintégration au sein de la police. Graal ou carotte ? Infiltration, chute ou rédemption ? A vous de voir.

Toute aussi noire mais moins sanguinaire que les précédentes, cette huitième débute comme toujours par un crime. Ici, dans une laverie à Barbès. Une trame qui se déploiera, et ouvrira sur des sujets classiques (drogues, petite délinquance), mais aussi actuels (les migrants). Laure Berthaud (Caroline Proust) a repris la tête du DPJ, secondée par Ali (Tewfik Jallab). Ébranlé par l'arrestation de Gilou, secoué par les non-dits de la relation entre Laure et lui, le DPJ enquête sur le corps du jeune migrant marocain retrouvé dans la laverie de Barbès.


              © Caroline Dubois - Son et Lumière / Canal+
 

 De son côté, Joséphine Karlsson (Audrey Fleurot) assure la défense de celui qui va vite être suspecté de ce meurtre : Souleymane, autre mineur isolé marocain. Un "client" qui nous la fait voir comme on la connaît : elle s’attache un peu à tout et à tous, mais pour mieux fuir ses doutes perpétuels sur sa propre vocation.

Ajoutez à cela un commissaire Beckriche (Valentin Merlet) sur la sellette, une juge Bourdieu plus raide que son prédécesseur Roban. Ajoutez que les deux trames principales vont, on le devine, se nouer entre elles (mais prenez patience…). Ajoutez une amourette mêlant un personnage qu’on connaissait mais qu’on n’en croyait incapable. Ajoutez des embrouilles intestines au sein même du DPJ. Ajoutez un fil d’intrigue qui joue sur le thème de la paternité avec là aussi, un flic et un suspect en miroir l’un de l’autre. Secouez, posez : vous avez une saison d’ "Engrenages" qui ressemble aux autres, rien de mieux et rien de moins bien. Pareille, mais quand même différente. Et tellement addictive. 



                                             © Caroline Dubois - Son et Lumière / Canal+

Penser la fin


Ce, notamment parce que les auteurs et réalisateurs sont parvenus à penser la fin. Les fans le savent depuis un bail : cette saison est la dernière. Ce qui constitue un enjeu et une tension dramatique, comme un staccato un peu plus prégnant au fil des épisodes. Comme une façon, aussi, de donner une autre dimension au bilan que fait cette saison 8 : la fin d’un cycle. Celui des flics du début XXe et celui des flics de 2020, dont la moindre filature ou le moindre "soum" (fourgon de planque) est immédiatement repéré.  Une page se tourne aussi du côté des magistrats. Ou des voyous : finis les dabistes et les casses de banques, ceux-ci n’ont plus de liquide. Désormais les voyous braquent ceux qui ont encore beaucoup de liquide : les autres voyous. Cette saison raconte ces changements pour mieux les entériner. La relation entre la brigade du DPJ, les nouveaux juges (qui d’ailleurs sont au nouveau Palais de Justice, montré sous tous les angles).

On aime, ici, que ces changements d’époque soient parfaitement imbriqués avec les autres enjeux de l’intrigue. Bigrement cousus avec les autres plis du récit : les relations Laure / Ali, Karlsson / Edelman (oui, lui aussi vous le reverrez), Gilou / Cisco, Cisco père / Cisco fils.

En cela, et surtout par cette scène (gardons le mystère…) où celui qui tire n’est pas celui qu’on croit, cette ultime enquête réussit là où, à mon sens, le dernier épisode du "Bureau des légendes" (ce dîner au royaume des morts…) avait savamment foiré. Dirigée par Marine Francou, aux commandes de la série depuis la saison précédente, cette S8, prouve qu’on peut arriver en fin de cycle (c’est le cas ici) tout en conservant jusqu’au bout son intensité dramatique…

Collée à l’actualité


… Et politique !

© Remy Grandroques / Son et Lumière / Canal+

 

Depuis quinze ans, la série a abordé : la prostitution venue de l’Est et de l’Afrique, le trafic de nourrissons, la pédophilie, la corruption des élus, celle des juges, celle des flics, les migrants, le trafic de migrants. Sa longueur (quinze ans, 8 à 12 épisodes par saison) lui permit de scruter la réalité quotidienne des corps et institutions constituées, principalement la justice et la police, mais dans toute sa diversité et ses problématiques. 


Ici, par exemple, on entre dans différentes structures d’accueil pour migrants et mineurs. Et cette réplique, juste cette réplique, d’une des responsables bénévoles à une adulte qui se plaint du manque de moyens, suffit à tout révéler :

"La prochaine fois, vous y penserez à deux fois, avant de voter pour payer moins d’impôts"


"Engrenages" est une satanée réussite par la profondeur et la complexité de ses personnages – qu’elle a su faire évoluer, leur ajoutant une facette à chaque saison -, par sa distribution irréprochable, par ses acteurs.trices qu’elle a révélés ou remontrés, mais aussi pour la façon de parler politique sans y toucher. Comme un vrai bon roman noir. Par la marge, et non par une fiction à thèse. En mêlant plaisir de fiction et critique sociale.

Crée au moment où les Créations originales de Canal voulaient coller au plus près de leurs sujets et des milieux décrits ("Reporters", "Braquo"), "Engrenages" a fait ce que font tous les bons polars réalistes et politiques : allier la vérité de son "terrain" et celles de nos vies à nous.  

C’est une vraie saison ultime : elle ne donne pas envie d’une suivante. Mais de tout revoir.


Engrenages saison 8. 10 épisodes de 52 mn.
Diffusion : du 7 septembre au 5 octobre, 2 épisodes chaque lundi à 21 h. Disponible en intégralité dès le 7 septembre sur myCanal.
Création originale Canal Plus
Réalisée par Jean-Philippe Amar (épisodes 1 à 4), Nicolas Guicheteau (épisodes 5 à 8), et Frédéric Jardin (épisodes 9 et 10)
Auteurs :  Marine Francou, Sylvie Chanteux, Antonin Martin-Hibert, Maxime Caperan, Thomas Finkielkraut, Anne Rambach, Marine Rambach
Avec Caroline Proust, Thierry Godard, Audrey Fleurot, Tewfik Jallab, Louis-Do de Lencquesaing, Valentin Merlet, Kool Shen…




 

 


18 janvier 2015

«Gomorra» : Saviano et ses mafias prennent leurs quartiers sur Canal Plus (garanti sans spoiler)

Photo de la série (aut. Canal Plus)
Gomorrhe + Camorra = Gomorra = un livre, un film, une pièce de théâtre, et à présent une série. Dont la diffusion par Canal Plus, à partir de ce lundi, est un des évènements télé de ce début d’année. Confirmant ainsi que, comme le nom de son auteur, « Gomorra » est devenue un genre en soi. Une marque. Un sigle. Un symbole.

10 novembre 2014

«Engrenages» saison 5 : plus intime, plus tragique, plus fragile, plus développé, et plus fort que jamais (garanti sans spoiler)

Crée il y a neuf ans, « Engrenages » est peut-être la meilleure série française actuelle. Elle est en tout points emblématique des créations originales de la chaîne. La saison 5 débute ce soir, et est encore plus noire, la plus profonde mais aussi la plus émotive.

On connaît chacun des personnages. Ils sont ici plus seuls que jamais, c’est pourquoi ils nous touchent encore plus.

14 octobre 2014

Sur Arte, une série met le capitalisme en pièces détachées

C’est un retour aux fondamentaux, et il commence ce soir. C’est « Capitalisme », une série documentaire en six volets qui remonte aux sources de l’économie de marché, éclairant l’histoire et l’actualité de la dérive ultralibérale. Tournée dans vingt-deux pays, comportant des témoignages très divers (ouvriers, chômeurs, agriculteurs, économistes, chercheurs), elle restitue des débats historiques et offre des clefs de compréhension du système capitaliste.

01 octobre 2014

Les Hommes de l’ombre» saison 2 : plus corsée, plus dramatique, une série qui gagne en trafics (garanti sans spoiler)

Les Hommes de l’ombre » reviennent ce mercredi soir, sur France 2, et pour trois semaines. Disons-le d’emblée : cette saison 2 est plus dense et meilleure que la première.

 D’autant qu’entre la première saison, diffusée en janvier 2012, et celle-ci, la réalité a comme rattrapé la fiction : en 2012, les créateurs de la série avaient imaginé une société de conseils politiques appelée Pygmalion, et depuis, le public français a découvert l’affaire Bygmalion dans les comptes de campagnes de Sarkozy et de l’UMP… Et ce n’est pas le seul clin d’œil.

23 avril 2014

«Looking for Rio» : Cantona entre les contes et les laissés pour compte du football

Diffusé ce mercredi juste après Real Madrid – Bayern Munich de Champions League, le nouvel opus des «Looking for» avec Cantona, rend cette série indispensable.

«Passion» est le mot le plus juste pour définir cette relation entre Rio et le football

C’est Romario qui le dit. Né à Rio, il y a débuté sa carrière (en 1985) et l’y a finie (en 2009).

13 mars 2014

«House of Cards» saison 2 : les agences tout vices

C’est toujours la série préférée de Barack Obama. Le 14 février, lorsque cette nouvelle saison de « House of Cards » avait débuté sur Netflix, le président américain avait demandé sur Twitter à ce qu’on ne lui en fasse aucun spoiler.

Puisqu’on parle du jour de la Saint-Valentin, autant appuyer d’emblée sur ce qui se voit dès l’affiche : Frank Underwood n’est plus le seul Machiavel.

10 février 2014

«Braquo» sur Canal : une saison 3 qui braque vraiment

Qu’ils soient de la BRI, de la PJ, du renseignement ou de l’anti-terrorisme, les flics le disent d’eux-mêmes : en France, seules eux séries télé montrent la réalité du terrain, « Engrenages » et « Braquo ».

Ca tombe bien : ce lundi démarre la saison 3 de « Braquo ». Elle est meilleure encore que les deux précédentes (datant de 2009 et 2011).

30 novembre 2013

«Longmire», la nouvelle série de D8 : le retour du shérif

On ne dira jamais assez ce que les chapeaux Stetson doivent à la télévision, depuis trente ans. Les téléfilms et les séries où le justicier est en chapeau de cowboy – en général shérif- font un effet un malheur. Il y eut «Lonesone Dove», il y eut «Deadwood», il y eut «Justified», «Hatfields & McCoys», «Maverick», et voici «Longmire».

08 octobre 2013

«Looking for Athènes» : le foot et la crise grecque racontés par Cantona

Un rappeur assassiné par un militant fasciste d’Aube dorée, une télé publique qui s’éteint en pleine nuit, des citoyens lâché par toutes leurs classes politique et délaissés par le continent dont leur pays fut un fondement : telle est l’actualité de la Grèce.

Une actualité éclairée sous un angle autant sportif qu’historique, citoyen et politique dans le nouvel opus des « Looking for … » avec Eric Cantona, diffusé ce mercredi 9 octobre sur Canal + : « Looking for Athènes », tourné en trois semaines à l’occasion du dernier derby entre l’Olympiakos et le Panathinaïkos, le 14 avril dernier.

29 août 2013

«House of Cards»: une série XXL

Aux Etats-Unis, Barack Obama en est fan. En France, on a eu droit à une promo XXL: spots depuis des semaines sur Canal, affichages en ville. Vous êtes donc forcément au courant : «House of Cards» est la série de la rentrée. Elle signe l’arrivée de David Fincher dans la fiction télévisuelle, et marque les retrouvailles du réalisateur avec le comédien Kevin Spacey, dix-huit ans après «Seven». A quelques réserves près, ce projet télévisuel XXL est une réussite.

06 juin 2013

«Homeland» : le verdict sur la saison 2

Ce jeudi 6 juin, Canal Plus débute la diffusion de la saison 2 d’une série qui nous a marqué : « Homeland ». En France, elle arrive peu après la première, diffusée à l’automne dernier. Et surtout, elle arrive après qu’Arte ait diffusé la série mère israélienne, dont se sont inspirés les scénaristes et producteurs US : « Hatufim ».

14 juillet 2012

Football : les vrais rebelles jouent le dimanche soir, et sur Arte

Didier Drogba fut le coéquipier d’Anelka à Chelsea, et va le redevenir au Shanghaï Shenhua. Une passion pour l’argent (en juin, Drogba a signé pour 12,9 millions d’euros par an ; Anelka avait, lui, signé en décembre 2011 pour 10 millions) plus qu’une passion de foot.

Et pourtant, comme un symbole d’une époque, l’Ivoirien, une des dix plus grandes stars mondiales du football, est aussi un rebelle du foot.