30 novembre 2013

«Longmire», la nouvelle série de D8 : le retour du shérif

On ne dira jamais assez ce que les chapeaux Stetson doivent à la télévision, depuis trente ans. Les téléfilms et les séries où le justicier est en chapeau de cowboy – en général shérif- font un effet un malheur. Il y eut «Lonesone Dove», il y eut «Deadwood», il y eut «Justified», «Hatfields & McCoys», «Maverick», et voici «Longmire».

Comme les trois premières, elle est inspirée d’un personnage crée par un écrivain : Craig Johnson dans le cas présent, un auteur que le public français connaît bien à présent qu’il est venu plusieurs fois à Quais du Polar ou Etonnants Voyageurs.
Crée par John Coveny et Hunt Baldwin, lancée en juin 2012 sur la chaîne américaine A&E Network, elle fit un carton : cinq millions de téléspectateurs matèrent chacun des dix épisodes. Une saison 2 fut diffusée en mai dernier, et en août la série a été renouvelée pour une troisième saison.
A partir de ce samedi 30 novembre, D8 diffuse la première saison en France.

 

(Regarder la bande-annonce en VO)

 

 

La série

Nous voici dans le comté d’Absaroka, le moins peuplé de tous les comtés du Wyoming –lui-même Etat le moins peuplé des USA. Walt Longmire est un shérif dévoué, charismatique, mais, aussi très taciturne depuis le décès de sa femme. Une mort qui l’a reclus des mois durant à son domicile. De retour aux affaires, il reprend goût au travail, et décide même de se lancer dans la course aux élections pour décrocher un nouveau mandat de shérif. Soutenu par sa fille Cady et son ami Indien ainsi que par son adjointe, Walt Longmire devra affronter l’un de ses adjoints très ambitieux : Branch Connally.

Après un premier épisode (une enquête sur un viol nous menant dans une communauté indienne), la série devient plus profonde, et surtout plus originale. Il s’agit de traquer les criminels et les voleurs dans des décors souvent surprenants, de gérer les problèmes de racisme entre blancs et Indiens. La série nous fait aussi partager histoires, coutumes, traditions, secrets et hypocrisies d diverses communautés indiennes (amish, etc) et diverses familles religieuses (mennonites, etc).


Vue d’Europe, la série a l’avantage de savamment lier tradition et modernité. Vastes plaines, forêts silencieuses, routes enneigées et balayées par le vent : pour les décors, tout y est. Trucks, voitures de shérifs, rivalités entre polices, tribales et fédérale, ou encore entre police et FBI : les éléments classique du polar sont là aussi. Chapeau vissé et revissé sur la tête, homme taiseux en proie à des accès de violence contrôlée, attentif à ses collègues mais ne comptant que sur lui-même et l’intuition : Longmire est un personnage classique mais rassurant.

Chaque comédien campe sobrement son personnage : Robert Taylor (vu dans « Matrix ») pour le héros, Cassidy Freeman pour sa fille Cady, Lou Diamond Philips pour Henry Standing Bear, l’ami indien de Longmire, Katee Sackhoff pour Victoria Moretti, l’adjointe du shérif.
« Longmire » est une série d’unitaires, de « procéduraux » comme on dit : chaque affaire est élucidée à la fin de chacun des épisodes.

 


La série ne manque pas d’intérêts, mais cette saison est trop sage. Un peu « vieille école ». Et un tantinet pompière parfois : chaque scène de poursuite nous fait entendre une musique de faux suspense insoutenable (la musique).

Cette série autant ou être vue il y a trente ans. Sans doute le problème, éternel, avec ces histoires qui nous saisissent justement parce qu’elles allient Histoire et modernité. Toute la tradition, et la beauté, des romans des espaces à l’américaine…

La série littéraire

Il y a trente ans en effet, on vivait sans smartphones. Or, Longmire n’a pas de téléphone portable –ses acolytes, si.

Longmire est un flic à l’ancienne, un flic de terrain, un flic qui marche à la volonté et à l’émotion. Dans les livres de Craig Johnson, qui a crée le personnage, le shérif fréquente le bar de son pote indien Henry Standing Bear, où il descend du single malt et joue aux échecs avec l’unijambiste Lucian Connally, qui est aussi son standardiste à mi-temps.

On avait connu le personnage avec « Little Bird » (Gallmeister, 2009), et nous l’avons depuis retrouvé à cinq reprises, jusqu’à « Dark Horse » paru en 2013 (un nouveau paraîtra au printemps prochain). Dans ses polars-westerns, Craig Johnson explore à chaque fois la spiritualité amérindienne – le comté d’Absaroka jouxte une réserve d’indiens cheyennes – en flirtant parfois avec le mysticisme. Il évoque aussi leur vie quotidienne (pauvreté, problèmes d’alcoolisme mais aussi leur grande solidarité…) ainsi que leurs relations avec les blancs, qui se résument le plus souvent à une indifférence mutuelle. Walt Longmire faisant office de trait d’union entre ces deux mondes. Et se dévoilant lui-même à mesure des tomes : on sait maintenant ce que le shérif fit au Vietnam… (lisez pour voir).
Craig Johnson n’étonnera absolument pas ceux qui connaissent James Crumley ou Tony Hillermann, mais ses livres ont le mérite d’en perpétuer la tradition pour un lectorat de nouvelle génération.

 

Du livre à l’écran

La série télé est « librement adaptée » de la série littéraire. En fait, elle reprend le personnage l’équipe, le comté, et tous les éléments constitutifs de l’univers de Longmire, et les immisce dans des histoires différentes, elles-mêmes inspirées des lieux. Par exemple, le troisième épisode débute par l’incendie d’une grange où périssent des chevaux. La suite de l’intrigue est une vengeance et une arnaque à l’assurance-vie… des chevaux. C’est par un tel incendie que débute « Dark Horse » de Johnson.

Craig Johnson n’a pas écrit la trame de la série. Il était là, témoigne-t-on chez son éditeur français, pour « être garant du décor, de l’esprit, des personnages ». Il a donné son feu vert pour l’adaptation, et a activement participé au programme : sur Facebook par exemple, il montrait l’avancée du projet. Il a également été consulté pour le casting : le choix de chacun des comédiens est approuvé par lui.


Approuvé aussi, donc, le fait que l’adjointe de Longmire est différente. Dans les livres, elle est italienne. Ici, c’est une bombe, une blonde, et une Américaine.

Accepté aussi, le fait que Branch Connally, interprété par Bailey Chase, lui aussi adjoint de Longmire, soit un personnage bien plus présent dans la série télé que dans les romans. Ici, il concurrence directement son patron en faisant lui aussi campagne pour devenir shérif. On regrettera cependant une autre différence, plus importante et peu compréhensible : le personnage de Bear est bien plus trouble dans les romans, et semble ici trop simplifié, sans consistance.
Si elle n’est pas à l’égal des romans de Johnson, qui eux-mêmes représentent une porte d’entrée pour les univers de Crumley ou d’Hillermann, voire de Jim Harrison, cette série se regarde avec un certain plaisir.

 

Notez par ailleurs que l’écrivain sera présent lors de la dixième édition de

Quais du Polar, dont la superstar sera James Ellroy. Eh oui.


Longmire, Saison 1. 10 épisodes de 42 minutes.
Réalisée par John Coveny et Hunt Baldwin. Série américaine avec Robert Taylor, Katee Sackhoff, Lou Diamond Phillips, Bailey Chase.
A partir de samedi 30 novembre, à 20h50 sur D8.

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