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29 décembre 2020

"Vernon Subutex" par Luz et Despentes : hautes fidélités

C’est une adaptation, mais c’est bien plus qu’une question d’adaptation. Ce Vernon Subutex de Luz et de Virginie Despentes est un festival de trouvailles graphiques, spirituelles, intellectuelles, un vrai travail de montage/remontage, et au final un ouvrage qui fait respirer l’âme rock. Parue en novembre dernier, dans une France à nouveau confinée et aux lieux culturels fermés, ce Vernon Subutex en version bande dessinée est aussi le livre idéal pour vivre le rock dans une époque où concerts et festivals sont impossibles. Par ce qu’il est et par le contexte dans lequel il nous arrive, c’est un des ouvrages majeurs de l’automne, et de l’année.

 

Quelles belles vies pour un type qui a disparu des radars ! Un type nommé Vernon Subutex, anti-héros de la trilogie romanesque du même nom, expulsé de chez lui par les huissiers et contraint à l’errance. Parfois réel, il squatte chez des anciens amis, ou d’anciens clients de son magasin de disques. Parfois absent, bien que vivant, l’ex-disquaire est tantôt SDF tantôt zonard, tantôt DJ et quasi-gourou.
Publiée chez Grasset entre 2015 et 2017, la trilogie Vernon Subutex raconte son histoire. On le sait, elle valut à Virginie Despentes le plus gros succès de sa carrière (qui en avait déjà connu, notamment avec son roman précédent, Apocalypse Bébé, ou encore son essai paru en 2006, King Kong Théorie ; sans oublier bien sûr Baise-moi en 1993, devenu film à scandale en 2000).

Dix-huit mois après la série, diffusée sur Canal plus et réalisée par Cathy Verney (Despentes avait quitté le projet assez rapidement), Vernon Subutex revient en images. Après coup, évidemment, que Luz soit à la réalisation tombe sous le sens : l’ancien dessinateur de Charlie, où il tenait aussi la rubrique Musique, était DJ à ses heures, et est un enfant du même rock que l’autrice. Dans une interview à 20 Minutes, il racontait comment le choix de Despentes état tombé sur lui. Qui s’y est plongé pendant deux ans.

Adaptation


Virginie Despentes a travaillé avec lui le texte de l’adaptation. On retrouve ici toutes les dimensions de l’œuvre originelle. Epousant la langue énergique de l’écrivaine, Luz met parfaitement en partition le fil d’intrigue, les déambulations urbaines, les errances du héros au rythme de ses squats et de ses plans d’un soir.

 


 

Tous les personnages sont là : le fantôme Alex Bleach, mais aussi La Hyène (qui était l’héroïne de Apocalypse bébé, prix Renaudot 2010), Xavier, Sylvie, Lydia Bazooka, et les rencontres de trottoirs quand Subutex en arrive à faire la manche.
Si vous avez lu le(s) roman(s), vous savez que, le long de ses pérégrinations, le gars est poursuivi, car il possède un précieux enregistrement vidéo d’Alex Bleach, l’ancien ami de son ancienne bande, ami devenu superstar musicale, et dont le décès brutal ouvrait le roman. L’histoire avait une double intrigue, en double face :

  • Un : que contiennent ces enregistrements, où Subutex les a-t-il planqués ? La Hyène est là pour ça
  • Deux : les pérégrinations de notre homme, dont chaque « plan » de logement et chaque rencontre forment un portrait des différents protagonistes. C’est une peinture générationnelle : ces anciennes connaissances, perdues de vue pour la plupart, sont devenues trans, réac, hardeuse, chômeur, ou bien sont rangées des voitures


Ce monde perdu des enfants du rock, Luz le fait briller sans aucune nostalgie, mais avec force d’âme. Si vous n’aviez pas lu le(s) roman(s), préparez-vous à l’émotion. 


Incarnation


Bien que son travail eût commencé avant que la série ne soit diffusée, Luz avait un défi : faire oublier Romain Duris, qui y incarnait le héros. Son Vernon à lui est moins débonnaire, plus nerveux, plus volontaire, tout en se laissant un peu porter par le vent. Il colle mieux à l’esprit "Do It Yourself" du rock indé, et en cela correspond mieux au Vernon de Despentes. Il se rapproche du Gainsbourg de Joan Sfar, il pourrait aussi sortir d’un texte des Thugs. Il existe.

2015-2020. Cinq ans ont passé. Ce n’est rien, mais il s’en est passé des choses, dont certaines recoupent les thématiques et les débats qui sont ceux de Despentes. On pense à #MeToo bien sûr, mais aussi à la façon de représenter Paris après les attentats, et après les travaux d’Anne Hidalgo. Là aussi, Luz a su illustrer et transposé quelques donnes. On pense à cette scène où des propos anti-harcèlement sont tenues… par la chienne d’un ami « logeur » que promène Vernon. Des propos qui apparaissent dans des bulles en forme d’os. Une des trouvailles dingues, où l’on rit puis admire.
Autre exemple : le roman contenait cette réplique, tenue par une autre logeuse de notre gars, à propos du supposé enregistrement de Bleach : "Ça ne vaut rien, à moins qu’il n’y révèle qu’il était l’amant d’Hortefeux". En 2020, le nom de l’ancien lieutenant de Sarkozy frappe moins, aussi Luz l’a-t-il remplacé, justement, par celui de Sarkozy dans sa tirade.

Comme le fait tout journaliste en lisant / regardant une adaptation littéraire, j’ai lu l’album en comparant avec le roman. Mesurant la qualité de "montage" opéré par Luz. Qui a transposé quelques propos de personnages dans d’autres scènes que celles où elles se trouvent dans le texte d’origine. Il a vraiment mis les mains dans le moteur, pour réinventer, traduire, recomposer une histoire qui, à l’origine, était elle-même une narration en puzzle ; Virginie Despentes revendiquait s’être inspirée des schémas narratifs propres aux séries télé. Luz a recomposé, ré-équalizé. 

 


Nouvelles dimensions


Ce Vernon Subutex est la deuxième adaptation littéraire de Luz, après celle de Ô vous, frères humains d’Albert Cohen (Futuropolis, 2016).
 
On soulignera comme il se doit l’alternance entre des passages "ligne claire" et des séquences de digressions abstraites, ou très noires, ou très rock, ou très sexe, ou très arty. Comme dans deux autres ouvrages de Luz : Catharsis (Futuropolis, 2015) et Indélébiles (Futuropolis, 2018).


On admirera les scènes de sexe, superbes.

On appréciera les séquences "rewind" donnant la voix à Bleach. Elles rappellent les séquences avec la femme à la buche dans les saisons 1 et 2 de Twin Peaks.

C’est rageur, subversif, angoissé, électrique, un peu tordu et très tendre. C’est bourré d’empathie, blindé de désirs.

C’est un de ces ouvrages, aussi, qui montrent que la pop culture est une vie. 


C’est bien plus qu’une adaptation. C’est une réincarnation – une notion ô combien prégnante dans l’histoire du rock et des rock stars -. 


Pour finir, on précisera que ce n’est pas fini. On se doute bien, en effet, qu’il est impossible d’adapter les trois tomes de la trilogie romanesque en un seul volume graphique. Un second suivra. Celui-ci adapte la totalité du premier roman, et le début du deuxième.


 


Vernon Subutex – Première partie, par Luz et Virginie Despentes, Albin Michel BD, 304 p, 29.90 €, version numérique 20 €



A voir aussi :
Une des nombreuses interviewes que j'ai réalisées avec Virginie Despentes. Ici en 2010, à l'époque où je travaillais pour le site Rue89, à la parution d'Apocalypse Bébé


(Voir la vidéo) 



24 décembre 2020

"Les Thugs – Radical History" : la bio rusée d’un monument rock

Les premiers plans de la série Vernon Subutex sont portés par des cris et des jeunes, dans la nuit parisienne, mais aussi par des riffs rageurs de ce groupe-là : les Thugs, à travers le morceau "As Happy As Possible". Après, la voix off de Romain Duris déclame qu’ "On entrait dans le rock comme dans une cathédrale, c’était un vaisseau spatial cette histoire".
Les Thugs, c’est un grand nom pour les âmes rock. C’est aussi une énigme. Paru en novembre, Les Thugs – Radical History est la première biographie de ce groupe.

Virginie Despentes, l’autrice de la trilogie romanesque Vernon Subutex (bien plus forte que la série), signe une très belle préface à ce livre remarquable. Avouant que c’est en lisant un article sur eux, dans un fanzine en 1987, qu’elle saisit 

"l’importance d’écrire ce qu’on vivait, de le faire sans faire le malin, mais sans non plus faire l’économie de son plaisir. J’ai réalisé qu’écrire était à notre portée – et que si on le faisait bien on changeait celui qui nous lit, même si c’est un ami et qu’on discute tout le temps avec lui"


Pour elle, 

"Les Thugs ont été des serviteurs, et jamais des soldats, d’une passion de colère et de rage, mais aussi de vitalité et de sincérité" 

"Ils ne venaient pas pour la drogue, ils ne venaient pas pour faire un étalage d’égo, […] ils ne venaient pas déballer une masculinité potentiellement toxique, ils n’arrivaient pas en retard, ils ne venaient pas faire l’apologie de la bagarre ; ils venaient pour la transe, ils venaient pour la liturgie"



Un groupe si loin, si proche…


Pendant seize ans (de 1983 à 1999) et en huit albums, la formation angevine a été considérée, en Angleterre puis aux Etats-Unis, comme le seul groupe de rock français à stature internationale. Signé sur le label de Nirvana, Sub Pop, et soutenu par Jello Biafra des Dead Kennedys. Dans l’histoire du rock alternatif hexagonal, les Thugs sont aussi importants que Marquis de Sade ou Taxi Girl avant eux, ou que Bérurier noir, qui débuta d’ailleurs en même temps. Les Angevins ont su développer un style unique, tantôt punk, tantôt hardcore mélodique. 



Pour ma part, je l’ai découvert après son éclosion, au début des années 1990. Plus tard, j'eus même l'occasion d'interviewer ce groupe, pour des radios associatives diverses, autant pour leur activité musicale que pour leur engagement militant. Car ce groupe, dont les membres étaient peu loquaces, était néanmoins engagé, donnant par exemple des concerts de soutien à Vitrolles, pour soutenir le Sous-Marin, café-concert menacé de fermeture par la municipalité FN dès 1997.
Je fus et resterai marqué par ce mur sonique envoûtant, ces nappes de guitare, des sifflets en suspension, une batterie "locomotive" – comme dans ce superbe "And He Kept On Whistling" (1991).



 

Pourtant, si ce groupe garde un statut iconique pour celles et ceux qui l’ont vu ou entendu, il reste un mystère : certains albums (As Happy As Possible, Strike) se vendirent à 30 000 copies à leur sortie (chiffres – honorables - issus de l’ouvrage ici chroniqué), le groupe fit de grosses tournées en France et aux Etats-Unis, mais leur reconnaissance ne fut jamais celle de la Mano Negra, de Noir Désir, de Parabellum ou des Sheriff, autres groupes alternatifs français qui débutèrent juste après eux. Alors, comment expliquer cette trace qu’ils laissent – comme en témoigne cette tournée "No Reform Tour" en juillet 2008, où l’on vit trois générations se presser pour les revoir ou pour les découvrir ?

… avec ce livre au milieu


Cela ne s’explique pas. Mais ça se raconte, et c’est précisément ce que fait Patrick Foulhoux dans Les Thugs – Radical History. Journaliste dans la presse rock depuis trente ans (je voisinai avec lui dans la deuxième mouture du Rolling Stone français, entre 2002 et 2005), le biographe déroule les fils d’une histoire familiale, régionale, puis nationale et internationale. Une histoire à trois frères et deux-trois de leurs copains angevins. L’histoire d’une génération : celle où des jeunes, frappés par Pink Floyd et par la déflagration punk ou new-wave, bricolèrent des émetteurs pour faire des radios pirates, épousèrent le vent des radios livres et des disquaires indépendants, croisèrent un manager par ci et un petit label sans le sou par-là, puis trouvèrent la bonne formule pour créer un groupe. Ainsi sont nés tous les groupes alternatifs du monde – dans le rock, dans le punk, dans le rap -. L’histoire, aussi, du Do It Yourself" musical à la française - après tout, ce vent-là venait du punk et d’une notion britannique de la production rock -. 

 

L’ouvrage est en trois temps.
La première partie présente chacun des cinq membres historiques (les Thugs ont toujours été quatre, mais ont connu deux bassistes) : Eric, Christophe et Pierre Yves Sourice, Thierry Méanard et Gérald Chabaud. Puis quelques "personnages importants dans l’histoire du groupe" : Marsu, le légendaire manager de Bérurier Noir, Véro la première sonorisatrice, quelques-uns de leurs tourneurs et producteurs, ou encore le journaliste David Dufresne (oui, le réalisateur d’Un pays qui se tient sage et lanceur des alertes "Allo @Place_Beauvau - c’est pour un signalement" sur Twitter est un enfant du fanzinat et de la presse rock).



La deuxième est celle où Foulhoux retrace le parcours des Thugs. Dans une chronologie qui épouse celle de leurs albums. Un chapitre par album. L’originalité est aussi dans la forme : l’auteur s’efface derrière les figures citées ci-dessus. Le récit enchaine les " quotes", verbatim, témoignages, anecdotes, et autres souvenirs des acteurs et témoins. Lui-même intervient très peu – quelques paragraphes à peine. On navigue donc dans une sorte de subjectivité fidèle aux évènements et aux faits. On est embarqués in situ. C’est ainsi que nous revivons le film de cette aventure musicale. Celle d’un groupe radical, musicalement comme politiquement.
D’Angers en 1978 à Angers en 2008, en passant par Paris, Londres, Berlin, Seattle, la Californie ou la Grèce, la Radical History dévoile aussi bien les coulisses de la vie du groupe, son travail de création, sa façon de tourner, de vivre (de) sa musique, et de coller ou pas à son époque.

Un livre et une belle malice


Adopter cette forme, pour biographier un groupe dont les membres furent dans une telle économie de leur parole (pour mieux libérer les riffs et les idées) révèle une malice qui est aussi un sacré respect de son sujet. Donner un tel espace de verbe à des musiciens et chanteurs qui s’exprimèrent derrière un mur du son aussi beau : chapeau.
Ce qu’a fait Foulhoux est très rock, et d’autant plus sciant qu'en lisant ces récits, il est rigoureusement impossible de ne pas écouter les Thugs. D’ailleurs, la dernière partie du livre, celle où l’auteur reprend la voix, décrit de belle plumes ses dix morceaux préférés.

Première biographie des Thugs, ce livre est le deuxième édité par une nouvelle "maison d’édition radicalement rock", Le Boulon. Avançant un mode de financement participatif (Ulule), la maison avait publié en mars dernier Dreamworld, ou la vie fabuleuse de Daniel Treacy de Benjamin Berton.

On signalera pour finir que l’intégralité de la discographie du groupe a été réédité par le label Nineteen Something, où vous trouverez également d’autres informations sur les activités actuelles des anciens Thugs. Et, en précommande, le Live Paris 1999 qui devait sortir en même temps que le livre chroniqué ici, mais dont la date prévue est finalement le 15 janvier 2021.  



Ce livre, agrémenté de tous les morceaux et clips qu’on trouve sur Internet, vous fera patienter durant des fêtes... que je vous souhaite bonnes.

(Voir le film sur la "reformation") 

 

 

Les Thugs not dead !



Les Thugs – Radical History de Patrick Foulhoux, préface de Virginie Despentes, Editions Le Boulon, 288 p, 21 €



27 novembre 2020

Diego Maradona : pourquoi parle-t-on d'icône pop ?

L'ampleur des hommages depuis mercredi. Les intégrales des chaines d’infos dès l’annonce officielle du décès. Les Unes de tous les quotidiens nationaux comme régionaux en France. Depuis que la nouvelle est tombée, ce 25 novembre sur le coup de 17 heures en France, on s’aperçoit bien que Diego Maradona, c’était bien plus que du football. Pour le meilleur (ce qu’il incarne d’Argentine, et de tiers-mondisme latino-américain des années quatre-vingt) comme du pire (les scandales propres aux stars de son rang, le dopage, la drogue, la Camorra). 


Le lent défilé devant sa dépouille à Buenos Aires ce jeudi 26 novembre, les chants de supporters à Naples, un mausolée en Inde, et ce n’est pas fini. La veillée funèbre de Diego Maradona s'est muée jeudi en hommage planétaire qui, lui aussi, transcende largement les dimensions de ce jeu et de cette politique des choses qui s’appelle le football.



Une journée a passé depuis l’annonce de ce décès. L’émotion est encore là, pour un possédé de football de ma génération (47 ans) : cette nouvelle est de celles qui font envoler une des pages de notre enfance. 

 

Face à cette mort, prenons un peu de distance. De toute façon, tout a été dit et écrit depuis hier, plutôt bien. Pour ma part, j’ai humblement parlé sur des antennes, et avais écrit ce que je pensais (de bien, de mal) au sujet du "Pibe de oro" dans Galaxie Foot. Donc nous ne (re)parlerons pas, ici, du "but du siècle" - même si franchement on l’a adoré !-. 



 

Maradona était-il le meilleur ? Même si le choix est restreint, chacun aura son avis. On rajoutera Puskas, Pelé, Platini, et Di Stefano.
Maradona était-il le plus grand ? Pour moi, oui - avec Johan Cruyff -. Car être le plus grand signifie de marquer les imaginaires, y compris ceux des plus rétifs au ballon rond. Cela signifie avoir eu un impact au-delà de sa discipline. D’avoir pris position sur les champs politiques (Cruyff le fit, Maradona le fit). Maradona restera comme le premier, dans sa dimension, à être allé à ce point au-delà de son propre sport : engagé, clivant, hénaurme, énervant. Joueur et tricheur. Bigger than life.
Voilà en quoi il s’était inscrit dans de nombreux segments de ce qui définit la pop culture. Voilà pourquoi Maradona était aussi une icône pop de son époque. Et il le restera. 


Étendard


George Best, mort lui aussi un 25 novembre (2005) ne jouait pas au foot. Il était le foot. Les Rolling Stones étaient le rock, et John McEnroe était le tennis. Diego Maradona jouait au foot et était ce foot. Pour lui gagner signifiait vaincre. Vaincre les Anglais en 1986, quatre ans après les Malouines. C’était gagner une guerre politique et éternelle, face à ceux qui n’avaient gagné qu’avec des armes et des canons.  

Deux titres de champion d’Italie avec le SC Napoli, c’était pour vaincre ce Nord. Il fut illico adopté par la ville de Naples pour cette raison. "J’étais leur étendard", écrivait-il dans Ma Vérité (Hugo &Cie, 2016, repris en poche chez J’ai Lu), poursuivant :

"J’étais l’étendard des pauvres du Sud contre les riches du Nord. Celui qui volait les riches du Nord pour donner aux pauvres du Sud. Mais ça, c’est le résumé de ma vie. C’est tout moi, ça"


Ou encore :
"Avant la Coupe du monde 1986, il faut bien dire la vérité, celui qui avait l’image du vainqueur, celui qui gagnait tous les titres, c’était bien Platini. Moi, j’étais le jogolieri, celui qui faisait le spectacle avec mes petits ponts, mes coups du foulard, mes coups du sombrero, mais moi, je ne faisais pas de tours d’honneur. Je ne gagnais pas de titres. Mon tour était venu. Je voulais tout gagner et je voulais tous les battre. Surtout ceux qui se mettaient sur mon chemin. Et c’est ce qui s’est finalement passé : je me suis battu, battu et battu et finalement, j’ai brisé le mythe Platini. Je l’ai tué"


Phrase typique du champion. De tous les champions. Certes. A ceci près que Maradona dut se battre contre beaucoup d’autres (hommes, pays, institutions du football), mais aussi contre lui-même. Se mesurer aux lois de son propre sport. S’en élever jusqu’à viser bien plus que la perfection, mais plutôt l’immortalité. Quitte, pour cela, à pactiser avec son propre côté obscur.

Le "Pibe de oro" ("gamin en or"), enfant de famille pauvre, aux origines amérindiennes, italiennes et espagnoles, devenu homme de petite taille (1m66) incarnait la fougue, la ruse, la virtuosité des gamins des rues. Mêle une fois devenu grand, c’est-à-dire champion du monde mais aussi cocaïnomane, irascible, puis parano, obèse, pestiféré, parfois homme parfois fantôme, il incarnerait toujours cette dimension "enfant roi" qui fait les stars de la pop culture.

De héros à anti-héros, des paillettes au dopage


Il y eut les frasques nocturnes dans les discothèques barcelonaises, où il commença à devenir accro à la coke – c’était pendant ses deux saisons au Barça, 1982-1984 -. Puis les années napolitaines (1984-1991), un temps où Diego Armando Maradona fut le plus beau joueur que la terre ait connu, et où il gagna ses plus beaux trophées (deux Scudetti en 1987 et 1990, une Coupe d’Italie en 1987, une Coupe de l’UEFA en 1989, champion du monde en 1986 et vice-champion du monde en 1990). Un temps, aussi où il symbolisa les années quatre-vingt versant paillettes, business, où il fut protégé par la Camorra, et où il y eut cet enfant né (en 1986) d’une relation adultère, dont il admit la paternité bien plus tard. Des années paillettes qui allaient le mener aux années dopage.

Le "Pibe de Oro "mourut le 8 juillet 1990, après la défaite de l’Argentine en finale du Mondiale. Laissant la place au seul Maradona, qui allait rester le plus grand sans jamais plus être le meilleur.
L'idole mondiale était devenue un anti-héros. Un personnage de polar. Au début des années quatre-vingt-dix, quand on évoquait Maradona, on évoquait la dope ou le dopage. En France, il fit une très brève apparition comme marionnette des Guignols de L’Info. Représenté comme un imbécile bouffi et ravagé par la drogue, son personnage tombera rapidement aux oubliettes.



 

Dieguito, Pibe de oro, icone pop


Dans le monde, il allait cependant devenir une icône pop. Quelque part entre Tony Montana et Mohammed Ali.

Depuis des années, à Naples comme dans bien des endroits en Argentine, les murs s’étaient recouverts de fresques parfois gigantesques. Des murs d’immeubles, des ruelles et des quartiers étaient, et sont toujours, des musées à ciel ouvert dédiés à la gloire de Diego. Naples est devenue un temple du street-art dédié à "Santa Maradona", où se recueillent et défilent les foules depuis mercredi. Vous en trouverez à foison sur Internet. 

Plus que Pelé avant lui, plus que Zidane aujourd’hui, Diego Maradona fut le premier footballeur à avoir trouvé un tel écho à travers autant de formes artistiques, de la peinture jusqu'à la bande dessinée, en passant par la sculpture, la danse, la théâtre, le cinéma, ou encore la musique.


En France, on connaît ces deux morceaux :

Santa Maradona de la Mano Negra, single issu de l’album Casa Babylon (1994) : "Santa Maradona priez pour moi" scandait le refrain, sanctifiant un ange échoué, un personnage qui tapait dans un ballon plutôt que sur l’adversaire. Santa Maradona glorifiait l’Argentin pour la lumière qu'il apportait à ce milieu corrompu. Ce qui, même justement en 1994, pesait ironiquement lourd en naïveté… Mais quel morceau.



 

La vida tombola, par Manu Chao (un ex de la Mano, comme on sait). Un titre qui était de la bande-son de Maradona, le documentaire d’Emir Kusturica, projeté au festival de Cannes en 2008.



 

En 1989, on ne voyait pas en direct les demi-finales de la Coupe de l’UEFA. Des gens comme moi virent après coup cet échauffement maradonesque.
Le 19 avril 1989, lors de l’échauffement précédant la demi-finale retour entre Naples et le Bayern, Diego Maradona, lacets défaits et au rythme de la chanson Live is life d’Opus, le joueur encore en or commença à enchaîner les jongles avec le génie rusé qui était le sien. Cette scène restera mythique.
 

 

Le Che du foot et la divinité païenne


Était-il de gauche ? De droite ? Nous dirons qu’il était "dieguiste". Entre le populaire et le populisme.

Fils du peuple resté proche du peuple, il était le cœur et le tambour de celui d’Argentine. On le mesure à l’ampleur du deuil national décrété sur place, et à l’envergure des foules qui l’accompagneront.

On ne mesure pas sa politisation si on ne prend pas conscience que cet homme devint une idole dans l’Argentine de Videla, et dans une Amérique latine dont les pays avaient été en coupe réglée par des régimes dictatoriaux installés plus ou moins directement par les Etats-Unis. Dans un monde où on ne parlait pas de "pays émergents" mais de "pays pauvres". Pas d’"altermondialisme", mais de "tiers-mondisme" et de "pays non-alignés".

Maradona regarda toujours avec passion les candidat(e)s et les gouvernant(s) qui osaient défier les Yankees : Peron, Chávez, Castro, et tant pis pour le populisme (voire les Droits de l’Humain). Puis Nicolas Maduro et Evo Morales. Pour l'anecdote, Diego est mort un 25 novembre, le même jour que Fidel Castro, mais quatre ans plus tard.

 Tatouage du "Che" au bras, Maradona se voulait aussi celui du foot. Au début des années 1990, il avait jeté les bases d’un premier syndicat mondial des joueurs : l’Association internationale des footballeurs professionnels. Il verra le jour en 1995, avec Éric Cantona (alors encore joueur) et le journaliste Didier Roustan à la manœuvre. Avant de rapidement retomber.

Si Diego Maradona est devenu une icône pop, c’est aussi par cet engagement-là, et la force/forme qu’il lui donna. Quelque chose entre Che Guevara et Speedy Gonzales.

Jusque dans sa dimension sacrée, Maradona revêt une caractéristique propre au héros pop. Une dimension d’idole païenne que l’on doit à… l’ "Eglise maradonienne" ! Depuis le 30 octobre 1998, cette « religion » rend gloire à Diego Maradona. On estime à cent mille ses adeptes, dans pas moins de soixante pays. Elle possède son propre calendrier, ses deux fêtes annuelles, et il n’est pas impossible que ce qui est arrivé, ce 25 novembre 2020, la fasse perdurer…



On se fera une idée de la trace maradonienne en revoyant le superbe documentaire, sorti sur grands écran en 2019 : Maradona, d’Asif Kapadia, projeté hors compétition à Cannes. 



Ainsi que Maradona, un gamin en or, réalisé par Jean-Christophe Rosé. Coproduit par Arte France, 13 Production, TSR et la RTBF. 

Ou encore : Maradona confidentiel (2018) qui sera rediffusé ce samedi 28 novembre à 22h40 sur National Geographic, et dont le teaser est ici.

Car enfin, "Maradona, c'était aussi ça"...



 

14 novembre 2020

"Marseille Capitale Rap" : de IAM à JuL, la saga d’un hip-hop trop puissant

C'est un documentaire qui rassemble quatre générations de rappeurs - de IAM à JuL en passant par la Fonky Family, les Psy4 de la Rime,  Keny Arkana et bien d’autres -. "Marseille Capitale Rap" raconte trente ans d’histoire culturelle et politique de la cité phocéenne, mais également de l’hexagone. Diffusé ce soir sur France 5 (et lundi sur France Région Paca), il mobilisera aussi des live sur les réseaux sociaux. Le Pop Corner l’a vu en avant-première. 

 



"Trente ans après son apparition, le rap a conquis Marseille. Jamais un mouvement culturel n’a aussi rapidement et profondément marqué la ville. Jamais autant d’artistes marseillais n’ont généré un tel succès commercial" : ce sont les premières paroles du film, entièrement narré par Faf Larage. Concocté Gilles Rof, réalisateur de documentaires déjà abordé par ce blog, journaliste correspondant du journal Le Monde, et par Daarwin, réalisateur et photographe, « Marseille Capitale Rap » est une histoire transversale, qui va du milieu des années quatre-vingt à nos jours (le tournage a duré jusqu’à la fin de l’été, le montage et la post-prod jusqu’à cet automne). 

 

(Voir le teaser)


Revenons aux premiers soubresauts. Au milieu des années quatre-vingt. L’éphémère émission télé "H.I.P-H.O.P.", diffusée de janvier à décembre 1984 sur la première chaine, avait initié la jeunesse française au breakdance et au hip-hop. Depuis 1981, l’explosion des radios libres avait préparé le terrain. A Marseille, c’était Radio Sprint, Radio Galère et surtout Radio Star. Sur cette dernière, un certain Philippe Subrini portait "Vibration", une émission qu’allaient bientôt intégrer Philippe Fragione et Éric Mazel. Bientôt, ceux-ci deviendraient "Akhenaton" et "DJ Kheops". Après avoir passé des étés à New York à la rencontre de ses rappeurs, ils allaient cofonder le groupe IAM, avec Shurik'n (Geoffroy Mussard), Imhotep (Pascal Perez), Kephren (François Mendy) et Freeman (Malek Brahimi).
En décembre 1989, la formation allait enregistrer une première cassette : Concept. Un son pur, une maitrise du sampler et du mixage hérité de l’apprentissage aux USA. Pour tout le rap français, ce fut une secousse. Plus rien ne serait pareil. Et aujourd’hui, IAM demeure le nom qui a libéré toute une jeunesse. A commencer par celle de Provence.

Le film raconte ce qui se passait là, juste avant et juste après : les rendez-vous à la station de métro Vieux-Port, les sessions "micros ouverts" au rap qui ont lieu à la Maison Hantée, bar du Cours Julien qui était pourtant un repère de rockers. Il rappelle qu’IAM avait inventé, invoqué, un rap extrêmement novateur. Marseillais jusque dans sa façon de mixer des musiques arabes entendues à Noailles et à Belsunce, ces deux quartiers du centre-ville. Le film n’oublie pas de signaler l’importance, d’ailleurs, de Bouga et de "Belsunce Breakdown".  



Quatre générations


Le récit de Faf Larage souligne à quel point le rap « était fait pour cette ville, bavarde et cosmopolite ». C’était un rap métissé, arabe et provençal, tchatcheur et blagueur, moderne et intemporel. Un rap qui signait non une cité, mais toute "une cosmopolitanie", dit l’un des nombreux artistes s’exprimant dans le film.

A raison, la première partie raconte beaucoup IAM : ils étaient les pionniers, et sont à jamais les parrains. Entre autres par leur politique de label indépendant et de pépinière, à laquelle les trois générations suivantes doivent beaucoup. 


 Le documentaire montrera, et c’est là son mérite, comment le rap a ensuite percuté chaque génération de façon phénoménale, mais très différente. En quoi chacune des figures, chacune des générations qui ont suivi, sont dans une filiation revendiquée, mais aussi dans une différence fondamentale.


La deuxième génération est celle de la Fonky Family, ce "collectif à rallonges" né en 1994, dont l’énergie sauvage se distingue de l’architecture réfléchie d’IAM. On savourera le récit de cette union précurseur avec Akhenaton.

 

 

La troisième, c’est les Psy4 de la Rime. Ils viennent des quartiers Nord, et sont donc les premiers rappeurs marseillais à ne pas être issus du centre-ville. Ils racontent encore autre chose. Deux des quatre membres poursuivent une carrière solo : Alonzo et Soprano. Ce dernier est, depuis, devenu une méga-star, après avoir été le premier à mixer des chansons de variété dans son rap. "Soprano, c’est Obama. C’est la réussite noire marseillais", dit un jeune témoin de la génération suivante.

 

C’est aussi le "rap conscient, militant, altermondialiste et antilibéral" de Keny Arkana.  

La quatrième est celle de SCH, de Naps, de Kofs, de Soso Manes, et surtout avec celui qui est devenu le symbole de Marseille : Julien Mari, alias JuL. Vingt albums en six ans, et quatorze disques de platine.


Une histoire plus grande que le rap


C’est alors que "Marseille Capitale Rap" raconte une histoire plus grande : la nôtre, depuis trente ans.

Une histoire marquée par le meurtre d’Ibrahim Ali, le 21 février 1995. Ce jeune de dix-sept ans rentrait d’une répétition avec son groupe, les B-Vice, quand il fut abattu par des colleurs d’affiche du Front National. "Ça a changé le rap marseillais. Il y a eu beaucoup plus de profondeur après", témoigne Soprano.
Marquée, aussi, par ce paradoxe : cette ville est reconnue comme une des capitales continentales du rap et pourtant, en 2013, lorsqu’elle sera la capitale européenne de la Culture, les institutions n’accorderont aucune place à cette culture-là. 

 


Marquée, aussi, par cet autre épisode des ingérences politiques et institutionnelles, par le drame de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018. Marquée, portée et habitée, enfin, par cet OM dont il est bien sûr question ici, puisque le club comme son stade sont un poumon de la ville (et une scène pour Soprano).

Chroniquant la ville sur trente ans, "Marseille Capitale Rap" ne passe pas sous silence les règlements de compte, les trafics, qui sont la vie ou le décorum des jeunes rappeurs comme Soso Manes. Le film est aussi le portrait d’une Marseille devenue "plus dure, et toujours plus abandonnée", où on est passé "d’un rap de CPE à un rap où ça fume".
Il décrypte le potentiel social et fédérateur qui a construit quatre générations. C’est une partition de la musique urbaine d’un morceau de l’hexagone où, si l’on se sent marseillais avant tout (c’est dit par certains ici), c’est parce que Marseille est quelque chose comme un plus que France. C'est la France augmentée des ères Méditerranée (on rappellera que Phocée fut fondée par les Grecs). C’est en cela que l’imaginaire y fut et y demeurera à jamais "pas pareil ", "trop puissant" (je paraphrase ici deux slogans connus), romantique et violent. C’est une ville où j’ai vécu, que je connais, que j'évoque toujours avec passion, connaissance, cœur et (un peu de) raison. 


 

Marseille, c’est comme la Fonky Family, c’est "un collectif à rallonges". Elles sont dépliées et racontées dans ce film. 




"Marseille Capitale Rap"
Réalisé par Gilles Rof et Daarwin
Avec la participation de : Akhenaton, DJ Kheops, Imhotep, Shurik’n, Soprano, Alonzo, SCH, DJ Djel (Fonky Family), Sat l’Artificier (Fonky Family), Bouga, Keny Arkana, JuL, Kofs, Soso Maness, Mino, 3eme Oeil, REDK, Hollis L’infâme, Faf Larage, Hélène Taam, Saïd Ahamada, B-Vice, Namor, Mourad Mahdjoubi (Uptown), JMK$…
Production : 13 Productions, avec France Télévisions
Durée : 58 mn
Diffusion : samedi 14 novembre à 22h30 sur France 5, lundi 16 novembre à 22h40 sur France 3 PACA
Dès samedi, le documentaire sera accessible en replay sur le site de france.tv


Pour les 30 ans du rap marseillais, deux live sur les réseaux sociaux :

  • Avant la première diffusion, de 21h30 à 22h30 ce samedi 14 novembre, Sat L’Artificier, membre de la Fonky Family, animera un live sur son compte Instagram (@satlartificierff)
  • Lundi 16 novembre à 21h30, les deux beatmakers DJ Djel (Fonky Family) et L’Adjoint Skenawin (Psy4 de la rime, Soso Maness, SCH, JuL...) mixeront en live sur Facebook. Le live sera diffusé sur la page Facebook de DJ Djel (@jdjel.dontsleep) ainsi que sur la page de France 3 PACA



11 novembre 2020

Elections américaines : Luke Rhinehart, vainqueur littéraire

Nous avons passé des nuits entières, à attendre le dénouement des dernières élections américaines. Et ça n’est pas fini. Pour nous détendre, tout en pensant à des fous présidents, un roman arrivait à point nommé cet automne : Jésus-Christ Président. Une uchronie-comédie grinçante, signée par un auteur qui l’est tout autant : Luke Rhinehart. 

 



Une histoire alternative. C’est bien ça. C’est le sous-titre du titre originel de ce roman : Jesus Invades George : an Alternative Story.
Une histoire alternative, c’est l’essence même de la fiction, quand elle s’affaire autour du réel. Quand elle se base sur des protagonistes réels. Récents, même, dans le cas présent.  

Le livre : Jésus et George, deux "fils de"


Ce livre débute au ciel. Par un prologue où Jésus dialogue avec son père, Dieu. Vous ne rêvez pas : on parle bien de ces deux figures d’un autre livre, la Bible, et de deux des personnages majeurs du christianisme. Le fils se plaint que les humains n’ont toujours rien pigé, qu’il "suffirait d’un être humain, d’un seul, qui détienne un grand pouvoir et qui soit un de Mes vrais disciples. […] J’aimerais voir ce que ça donnerait si J’allais M’installer dans l’âme de quelqu’un qui aurait le pouvoir de changer les choses".
On notera les majuscules dès qu’elle vaut pour un terme, quel qu’il soit, qui concerne ce dieu. Il en sera de même quand il descendra du ciel. Pas le Père Noël, non. Jésus, le fils de.

Et c’est à la Maison-Blanche qu’il arrive. Visiter un autre "fils de" : George W. Bush, 43e Président des Etats-Unis. Nous sommes vers 2005, et il a été réélu il y a peu pour un second mandat. Après les campagnes militaires (Afghanistan, Irak) habillées en "guerre contre le terrorisme" ou autre "guerre contre le Mal", George W ne sait plus quoi faire, et s’ennuie. Plus que jamais téléguidé dans sa politique intérieure (ultra-libéralisme) et extérieure (l’US Army doit faire craindre les USA partout dans le monde) par ceux que l’on appelait ses "cerveaux" : Karl Rove, Dick Cheyney, et dans une moindre mesure Donald Rumsfeld. Guerre porté sur l’introspection, il est resté pieux, et prie. Et justement, ce matin-là, il se sent tout chose après sa génuflexion :

"Il eut l’impression que son corps se dilatait, puis il comprit que quelque chose entrait en lui… une Présence, comme un Être qui frissonnait dans le brouillard de son âme. Il eut peur, et sa peur grandit, devint terreur. Le brouillard intérieur se leva. Puis… Bam ! Il vit Jésus-Christ, au cœur même de son âme, qui le regardait fixement"

George a reçu une "Visitation". La suite sera une révélation, dans le droit fil christique de la chose.
Sauf que la révélation va devenir politique. Pour George comme pour les principaux protagonistes, pour le pays et pour le monde – notons que chacun, ici, ne sera jamais désigné que par son prénom : George (pour Bush Jr), Dick (Cheney), Don (Donald Rumsfeld). Dès le lendemain, briefé par ses "cerveaux" pour un discours important qu’il doit prononcer, la réplique présidentielle fuse : "Ce discours, c’est un gros tas de conneries, Dick". Pourtant, George lui-même n’est pas en accord avec ce qu’il vient de dire… Et pour cause : "Jésus était intervenu. Il ne se contentait plus de regarder, Il avait pris le contrôle de l’âme de George". Et d’enchaîner :
"Vous allez déclarer un cessez-le-feu immédiat et unilatéral, et annoncer que le gouvernement des Etats-Unis a décidé de reconnaître la souveraineté de l’Irak et de ramener ses troupes à la maison"
 

Durant sa présidence (2001-2009), on a souvent mis en doute les capacités intellectuelles de George W. Bush. Aux Etats-Unis comme en France, où les sketchs avec "Monsieur Sylvestre" et "Double U" furent un régal.

 



Il fut dit, également, que le véritable George W. Bush fut sujet à une crise mystique au mitan de son existence.

Eh bien c’est à tout ça que répond ce roman, par la satire littéraire.
Désormais, Jésus parle à la place de George. Jésus parle dans George. Luke Rinehart de s’en amuser à gogo. Voire ceci, quand c’est au président de parler :

"Sans hésiter, Jésus répondit"
"dit calmement Jésus tandis que George, en son for intérieur, geignait"
"Jésus avait annoncé par la bouche de George qu’il avait changé d’avis"


Satire et uchronie


Un temps, George se battra contre lui-même, enfin contre ce Jésus qui se met à parler à travers lui. Et à énoncer des idées contraires à ses principes capitalistes, à l’opposé de ce dogme patronal, militaire et bancaire dont les Etats-Unis sont pourtant la fille aînée.

Quel est ce "nouveau programme" ? Se fera-t-il à cette visitation ? Comment s’en jouera-t-il ? George a-t-il perdu les pédales à jamais, ou a-t-il changer ? Comment va réagit l’Amérique, société marquée au fer de la croyance au marché et en un dieu ? Vous verrez tout cela en lisant et en riant durant plus de quatre cents pages. Qui sont autant une comédie de caractères – les salons du pouvoir, mais aussi le couple Laura et George Bush, avec des scènes privées d’anthologie – qu’une politique-fiction et une uchronie. Vous suivrez le George de Luke Rhinehart de Washington en Irak, en passant par les territoires palestiniens, Israël, l’Angleterre. On verra comment George y devient un miraculé. Plusieurs fois. Un miracle. Un peu comme un messie, donc. On verra comment, se voulant plus démocrate que les Démocrates, George embarrasse son propre camp. Tout ça parce qu’il a eu la révélation : pour que les Américains soient à nouveaux aimés, il faut qu’il fasse le bien, sans guerroyer, en éduquant, en pardonnant. Et si Jésus lâchait George… Ou si, tout simplement, les services de renseignements (car tout de même, nous sommes en Amérique) n’allaient pas parvenir à tout foutre en l’air ? Sans compter les coups tordus des autres cercles du pouvoir…

Jésus-Christ Président raconte comment, pour tou.te.s les chef.fe.s d’Etat du monde, se pose la question de la trace dans l’Histoire, à travers ceci : pour cela, vaut-il mieux être aimé, ou être craint ?

Certes, le camp républicain s'en prend plein les mirettes, mais on ne dira pas, pour autant, que le roman est partisan. Il a juste choisi le parti d’en rire. Certes, Jésus-Christ Président souffre de longueurs, mais le rythme soutenu et les dialogues ironistes sont un plaisir. Il raille la place du capitalisme et des lobbys religieux dans cette nation. Il interroge le poids symbolique des hommes présidentiels dans cette nation. Chaque campagne présidentielle outre-Atlantique montre à quel point les églises évangélistes comme les pratiquants conservateurs des religions chrétiennes sont du côté des idées complotistes, nationalistes, ou contre-révolutionnaires. Chaque fois, on vérifie comment un des deux candidats va chercher à capter cet électorat-là.


Là aussi, ce roman est une réponse. Par le rire.

L’auteur  


Luke Rhinehart s'était fait connaître en 1971 avec L'Homme-dé : un roman semi-autobiographique devenu culte, plusieurs fois réédité chez nous entre 1973 et 2019 (au Seuil, puis à L’Olivier, et désormais aux Forges de Vulcain, éditeur de grande envergure en termes de littérature de pop culture).
Jusqu’à 2015, en France, il était considéré comme "writer’s writer", un "écrivain pour écrivain", comprenez un auteur reconnu par ses seuls confrères. Puis il y eut la réédition de L’Homme-dé en 2015, dans la collection « Replay » des éditions de L’Olivier. François Busnel, alors à la tête du magazine Lire, s’intéressa à lui dans son émission « La Grande librairie ». De même qu’Emmanuel Carrère dans la revue XXI.



Ainsi connut-on mieux George Powers Cockcroft, né en 1932 à Albany (Etat de New York), ancien professeur de littérature devenu psychiatre puis écrivain. En 1953, il avait écrit un roman, non publié, avec un personnage nommé Luke Rhinehart. Pour les livres suivants, cela devint son nom de plume. Depuis longtemps, pour pimenter son quotidien, il jouait aux dés, pour provoquer le destin. Un soir à la fin des sixties, il en lança un, comme ça, au retour d’une fête. En se disant que si le 1 sortait, il faisait ce qu’il voulait (aller toquer chez sa voisine pour coucher avec elle). Ce fut le 1. Depuis, il a toujours un dé sur lui, qu’il lance pour décider de ses actes. C’est même ainsi qu’il a rencontré sa femme. Il le raconte dans L’Homme-dé, livre qui allie autobiographie et contre-culture de l’époque.

Paru en 2018 aux Forges de Vulcain, Invasion n’est que le troisième de ses onze livres à y être traduit (il y eut aussi L’Odyssée du vagabond, Robert Laffont 1984).
Surfant entre références pop et science-fiction, il y imagine, de nos jours, les Etats-Unis envahis par des IA prenant forme de "boules de poils intelligentes", qui pratiquent un genre nouveau d’insurrection, guidées par un principe : faire les choses juste "pasquecérigolo". Invasion est une parabole sur les Anonymous, sur les fakes news, sur la parano américaine aussi.

Jésus-Christ Président est paru en 2013 aux USA, soit peu après la réélection de Barack Obama. Traduit en France en cet automne 2020, il paraît dans un contexte d’élections… dont on connaît le résultat sans pour autant connaître le dénouement !

Raison de plus pour rire. Et donc : le lire !


Jésus-Christ Président
(Jesus Invades George : an Alternative Story) de Luke Rhinehart, trad. Francis Guévremont, Aux Forges de Vulcain, octobre 2020, 464 p, 20 €, version numérique (Epub) 12.99 €
 



06 septembre 2020

Comeback du Pop Corner

 

Bienvenue sur la nouvelle page de mon blog. Le Pop Corner existe depuis 2012. Il était même devenu une chronique sur France Inter, que je tenais dans l’émission de Pascale Clark, "Comme On Nous Parle". C’est même devenu le titre de mon deuxième ouvrage, publié en 2017 (repris en poche ensuite). Détail comique : c’est pour attaquer la dernière ligne droite de l’écriture du Pop Corner - le livre que j’avais dû mettre en pause le Pop Corner - le blog !


 

Le Pop Corner revient, donc. S’il a mis du temps, c’est aussi parce qu’il a dû changer d’hébergement. Auparavant, le blog était présent sur la plateforme de lexpress.fr, puisque j’avais ouvert le Pop Corner en arrivant au mensuel Lire, en 2012, et ce magazine appartenait alors au groupe L’Express.

En 2017, Lire a été vendu par son propriétaire d’alors, et progressivement lexpress.fr ne devait plus héberger les blogs d’anciens pigistes du groupe.

Puis il y avait eu un autre ouvrage, juste derrière, la première biographie de Maurice G. Dantec.

Et puis… Les réseaux sociaux, les chaînes YouTube ou comptes d’influenceurs ont changé la donne, en ce qui concerne la critique et la prescription sur les réseaux sociaux. 

 


Et puis j’ai constaté la difficulté de lancer et de maintenir une plateforme culturelle. En 2019, je cofondais 233 Degrés, plateforme sur YouTube, Facebook et Instagram, proposant des interviews et portraits d’auteurs / autrices, que nous voulions financer par des vidéos réalisés pour des partenaires (institutions, festivals, éditeurs). Et puis… Le temps, enfin le manque de temps. Et puis, l’argent, enfin la difficulté d’inventer un modèle économique pour une telle (petite) plateforme. Et enfin, la Covid 19, qui a rebattu les cartes de manière accélérée. De sorte qu’à la fin du printemps 2020, un évènement supplémentaire a provoqué la fin de 233 Degrés (j’ai gardé le droit d’exploitation du nom). 

 

Et puis, donc, c’est à ce moment-là. J’ai réalisé qu’un blog avait encore une raison d’être, en 2020. Parce que publier y est libre et aisé, facile et malléable, et que cela reste une forme d’articles et commentaires vivaces, pour qui sait le synchroniser avec ses réseaux sociaux.

Et puis donc, j’ai eu envie de reprendre la plume, enfin le clavier, un peu plus souvent. Alors, j’ai retransférer le Pop Corner sur la plateforme Blogger. Voici donc la nouvelle page. 

 

Comme tous les blogs de journalistes, il ne sera pas question ici de reprendre, ou de chroniquer, les actualités ou les livres que je traite dans « mes » journaux et émissions (je n’en ai pas le droit, ni l’envie). Quand un journaliste blogue, c’est pour écrire des notes, des chroniques et des interventions qui sont une continuité du travail d’information et d’opinion.
Si j’en ai eu envie maintenant, c’est aussi car je pense que, depuis l’avènement des réseaux sociaux, un blog est tout autre chose qu’il y a dix ans.

Les magazines et les journaux ont, en plus, été victimes collatérales de la faillite du distributeur Presstalis, repris en juin et devenu France Messagerie. La crise sanitaire et économique a durement touché la presse : sous-paginations, baisse des ventes, baisse des revenus publicitaires. Pour tous les précaires du monde, elle est devenue une crise économique, financière, sociale, dont les incidences sont un manque à gagner immédiat, et les conséquences un endettement. Parmi ces précaires : les pigistes, dont je suis. Il faut donc inventer sans cesse. Et il est des moments, dans les mouvements du monde comme dans nos vies à nous, où il faut revenir aux fondamentaux pour créer d’autres plans de jeux, qui serviront beaucoup ou juste un peu.

Un journaliste est là pour écrire, publier, dire sur les ondes ou sur des plateaux télé. Aussi, ce blog sera irrégulomadaire ; nourri en dehors de mes enquêtes et de mon temps de travail, prioritaires. Parfois souvent, parfois rarement. Le temps d’un blog est, oui, comme le temps de la vie.  

Voilà pourquoi, en 2020, le Pop Corner rouvre ses portes - deux-trois réglages techniques sont encore à venir -. Avec, très vite, de quoi vous renseigner sur une série qu’on aime, ici : "Engrenages", qui elle aussi revient. Demain.

Bienvenue à vous.





12 avril 2016

Manchester : l’autre ville Foot & pop-rock du royaume

ManCity-PSG
Manchester City – PSG de ce soir, c’est l’occasion de parler musique. Car l’Angleterre a un supplément d’âme que la France n’a pas : l’épaisseur d’une culture foot. Dont la pop-rock est partie prenante.

 Le clash Oasis/Blur, mais aussi Hernan’s Hermits, The Buzzcoks, Joy Division, The Smiths, The Stone Roses ou les Happy Mondays : à Manchester, la vie est musicale, pop et rock.

25 août 2014

Manchester – Liverpool : de la classe ouvrière et du rock autant que du foot

Ce soir, c’est une de ces soirées comme seul le foot anglais en permet aujourd’hui. Parce que c’est en cette île qu’est né le football moderne. Parce que voilà un pays où les rivalités entre clubs et entre villes sont aussi des luttes de classes sociales. Parce qu’à chaque minute d’un match, à chaque mesure d’un chant de supporter, on y trouve une trace d’Histoire et d’éternité.

10 août 2014

Polar : Le Poulpe, bientôt vingt ans et still alive

Il aura bientôt vingt ans : c’est en 1995 qu’était né le Poulpe –personnage et série. Bientôt vingt ans, et 286 tomes pour le personnage inventé par Jean-Bernard Pouy et quelques autres, dont paraissent quatre ou cinq aventures par an.

La « saga » compte toujours des fans (j’en suis). Elle est toujours de qualité inégale, conséquence logique d’une série où chaque épisode est signé par un auteur différent. Mais elle reste de qualité globale significative.

01 mai 2014

De Cobain aux « Indiens des Plaines » en passant par Liverpool-City en Premier League : les Pop Corner du printemps sur Inter

Depuis la rentrée 2013, je tiens avec un grand plaisir le Pop Corner sur Inter, dans la si douce, agréable et créative émission Comme on nous parle de Pascale Clark –à qui j’accolerais les mêmes qualificatifs.

Peu enclin à l’autopromotion forcée, je tweete l’émission et ma chronique après son passage à l’antenne.

22 novembre 2013

«JFK, Le dernier jour» : le livre à lire ce jour

Il y a cinquante ans et quelques heures, le Président Kennedy vivait ses dernières lueurs à Dallas. Impossible de passer à côté ce vendredi, et depuis toute cette semaine.

Une semaine que je commençai en évoquant, dans mon Pop Corner sur France Inter, les résonances de cet assassinat sur la fiction, et sur la culture pop : DeLillo, Ellroy, Oliver Stone, Ministry, Lana Del Rey, ou Stephen King.

04 novembre 2013

De Johnny Rotten à John Lydon en passant par le beurre anglais et Arsenal : le Pop Corner du jour sur Inter

Une semaine après l’hommage Lou Reed, mon Pop Corner du lundi continuait en fanfare, ce matin dans «Comme On Nous Parle» sur France Inter.

Dans une émission où Pascale Clark recevait Caroline Kalmi et Pierre-Louis Basse, elle historienne et lui écrivain, pour leur ouvrage « La tentation du pire – L’extrême-droite en France de 1880 à nos jours » (Eds Hugo Image), ma chronique hebdomadaire racontait l’histoire de John Lydon / Johnny Rotten.

07 octobre 2013

Patti Smith et Albertine Sarrazin : le Pop Corner du jour sur Inter

Elle est une de ces déesses du rock qu’on pourrait appeler The Voice. Elle est le verbe, elle est le feu, elle est le rythme. C’est Patti Smith, une des idoles de tous les littéraires qui sniffent le rock, et vice-versa. Patti Smith était l’histoire que je racontai ce matin dans mon Pop Corner du lundi de « Comme On Nous parle » sur Inter.

30 septembre 2013

Le Pop Corner du jour sur Inter

Aujourd’hui, c’était demain. Dans l’émission « Comme on nous parle » de ce lundi, mon Pop Corner du lundi évoquait « les romans qui prennent de l’avance », comme le disait Pascale Clark.

Peignant les caractéristique du roman d’anticipation, j’ai ce matin évoqué quatre des romasn de la rentrée :

 

  • « A l’aide ou le rapport W » d’Emmanuelle Heidsieck (Inculte)

15 août 2013

Polar : le Poulpe, une certaine idée de la culture pop et de la littérature populaire

Dix-huit ans. Voilà dix-huit ans qu’il est le héros de près de 280 romans très inégaux, formant au final une série tout à fait ludique et potable de romans populaires.

Une série qui correspond à la politisation d’une génération (la mienne, celle qui arrive à la quarantaine). Une série qui correspond au renouveau de la mode du polar, en France, dans les années 1995.

04 août 2013

1995 – 2013 : Le Poulpe, une histoire de la France

Avant de prendre des nouvelles fraîches des derniers opus (article à venir ici très bientôt), un rappel des faits n’est peut-être pas inutile sur l’histoire du Poulpe ! Un personnage, une série, deux destins unis qui en disent long sur l’histoire d’un genre littéraire, sur la notion de série, et sur l’évolution de l’édition en France.

04 juillet 2012

A la mairie de Paris, « Non une littérature populaire, mais une littérature qui vient de quartiers populaires »

Faïza Guène, Rachid Djaïdani, Rachid Santaki et « La littérature populaire au cœur de Paris », tels étaient le décor et les acteurs d’une rencontre fort intéressante, ce lundi à l’Hôtel de Ville de Paris.

Oui, vous avez bien lu : des auteurs « des quartiers » chez Bertrand Delanoë. Djaïdani, révélé en 1999 par « Boumkoeur », témoigna d’ailleurs de son étonnement lorsqu’il fut invité à parler à la mairie de Paris « du XVIIe, du XVIIe ? Non ! : à l’Hôtel de Ville, de Paris ! Chez Delanoë ! ».

06 juin 2012

« Mythologies américaines » : le débat d’Etonnants Voyageurs en podcast

Nouveau podcast de mes débats malouins, avec ce « Poor white trash, l’Amérique des laissés pour compte » qui rassemblait l’universitaire Sylvie Laurent, Donald Ray Pollock et Eric Miles Williamson.

Un débat. Un sujet. En fait, un concept. Que présente, explique et décrypte Sylvie Laurent dans un essai… qui a donné son titre au débat, et publié aux éditions Presses Universitaires de la Sorbonne.

 

A l’origine péjorative, cette expression désigne un blanc devenu pauvre.

28 avril 2012

Pop/Rock : connaissez-vous The Helio Sequence ?

Je connaissais les écrivains Chuck « Fight Club » Palahniuk et Jon « Wendy et Lucy » Raymond –le premier est à mon sens un des deux-trois écrivains yankee majeurs des années 1990, le second est à découvrir de suite.
Je connaissais les cinéastes Gus Van Sant et Todd Haynes.
Je n’ai jamais mis les pieds à Portland (Oregon),