04 juillet 2012

A la mairie de Paris, « Non une littérature populaire, mais une littérature qui vient de quartiers populaires »

Faïza Guène, Rachid Djaïdani, Rachid Santaki et « La littérature populaire au cœur de Paris », tels étaient le décor et les acteurs d’une rencontre fort intéressante, ce lundi à l’Hôtel de Ville de Paris.

Oui, vous avez bien lu : des auteurs « des quartiers » chez Bertrand Delanoë. Djaïdani, révélé en 1999 par « Boumkoeur », témoigna d’ailleurs de son étonnement lorsqu’il fut invité à parler à la mairie de Paris « du XVIIe, du XVIIe ? Non ! : à l’Hôtel de Ville, de Paris ! Chez Delanoë ! ».

 Modérée par la journaliste free-lance Margot Loizillon, cette rencontre sous les ors de la capitale était organisée par Rachid Santaki et l’association Saint-Denis Positif, qu’il anime avec l’ancien boxeur pro Kamel Amrane pour « travailler sur des projets pour le public ».

 Rachid Santaki n’est pas seulement un homme. C’est une entreprise, dans le sens non-libéral du terme. Une PME à lui tout seul. Lui-même boxeur à ses heures, il s’est investit comme éducateur sportif aux Francs-Moisins et à La Courtille (quartiers de Saint Denis) avant de cofonder le premier grand site web dédié à la culture hip-hop : hiphop.fr, qui devint une référence. En 2003, il créa ensuite 5Styles, magazine gratuit, diffusé dans les magasins Fnac, et l’aventure dura huit ans. Aujourd’hui à la tête de trois romans, dont le dernier paru en ce printemps, Santaki continue à innover dans la stratégie : à la manière des rappeurs américains, il fait sa promo en van et colle des affiches dans les villes.

 

Rachid Santaki en mode van

La rencontre organisée lundi soir à Paris témoigne de cet esprit volontaire et unitaire. C’est Santaki qui choisit ses deux acolytes d’un soir. Faïza Guène et Rachid Djaïdani, donc. Pour lui, c’est un « noyau dur » :

 

C’était important de se retrouver, car on était vus comme des phénomènes d’actualité. Parler de notre travail en public montrait que l’on s’inscrivait, au contraire, dans la durée.

 

 

Faïza Guène

Un ghetto ?

 

La rencontre débuta par une tentative de définition de cette notion fameuse de « littérature populaire ». Un créneau qui, pour nos trois individus, n’arrive cependant qu’près s’être extrait d’un ghetto : la banlieue. Djaïdani se disait d’ailleurs « fier d’être de ce ghetto » en 1999, tout en disant à présent que

 

Ce qui va rester c’est les livres, pas les termes.

 

Pour Santaki, il convient d’assumer d’être

 

Non une littérature populaire, mais une littérature qui vient de quartiers populaires.

 

Faïza Guène témoignait elle aussi du mal qu’elle avait eu à s’extraire de cette ghettoïsation… éditoriale. Son travail témoigne pourtant d’une forte remise en question en termes de langue, de thème, de personnages, et de construction.

 

C’est d’ailleurs de cette ouverture dont témoigne son dernier livre en date : « Les gens du Balto » (2008). Il s’agit d’une intrigue lorgnant clairement vers un genre littéraire des plus ouverts : le polar. Et le polar, c’est aussi le genre dans lequel s’est posé Rachid Santaki.

 

« Ca fait tomber pas mal de tours de béton, la poésie »

 

De cet environnement social et de son déterminisme (ou pas), la discussion se porta ensuite sur les techniques personnelles de chacun des romanciers.

 

Rachid Santaki parlait d’oralité, et avouait écrire à haute voix, afin de trouver sa propre voix :

 

Un bon livre est celui ou on entend la voix de l’auteur.

 

Djaïdani témoignait de sa douleur à trouver les mots. Non pour se paraître torturé, maudit ou ténébreux, mais parce que

 

N’ayant pas fait d’études, j’en passe par les images.

 

Rachid Djaïdani

Des images et un encrage du côté d’Audiard, de Léo Malet, et surtout de Céline. Un langage venu là aussi des faubourgs. De son côté, Faïza Guène se rappelait cette enfance où sa source d’inspiration est sa daronne, « une incroyable raconteuse d’histoires » :

 

A la maison, le seul livre qu’on avait, c’était le coran.

 

S’il est un ingrédient que chacun des trois revendiquait, c’est celui de l’humour. Santaki, qui revenait d’un atelier d’écriture en prison à Strasbourg, disait que

 

En taule comme dans les quartiers, la chambrette est ce qui permet d’oublier ma réalité.

 

Et de conclure :

 

Ca fait tomber pas mal de tours de béton, la poésie.

 

 

Comme quoi, en fait, il se passe parfois de belles choses à la Mairie de Paris.

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