30 juin 2012

A Frontignan, une heure de pure émotion Battisti

Fred Vargas, Patrick Mosconi (écrivains) et Michel Gueorguieff (organisateur du festival) d’un côté, Cesare Battisti en direct du Brésil de l’autre : ce fut le grand moment de ce samedi, au FIRN.

A Frontignan, on avait rapidement pris fait et cause pour l’ancien militant devenu écrivain. En 2004, dès que Dominique Perben,

alors Garde des Sceaux, décida d’accepter la demande d’extradition italienne, et de le livrer à Silvio Berlusconi (piétinant au passage une décision de la justice française prononcée en 1991), il fut déclaré citoyen d’honneur de la ville par son maire Pierre Bouldoire. Depuis, à chaque édition du FIRN, Battisti y est symboliquement invité, et on y trouve ses ouvrages.

Que Battisti revienne en exclusivité montrer son sourire dans la ville héraultaise donnait une ampleur supplémentaire à l’évènement. Durant une heure, les dizaines et dizaines de spectateurs présents n’ont pas vécu une rencontre. Ils se sont retrouvés propulsés dans une bulle d’émotion. Une suspension de soixante minutes.

Fred Vargas et Patrick Mosconi évoquèrent avec lui leurs visites au Brésil. Puis Battisti parla de la prison, en tenant des propos plus radicaux encore que ceux qu’il tenait en France –l’auteur y était proche de collectifs et des auteurs anti-carcéraux- :

« La prison, c’est une machine à fric. La plus grande usine du monde. »

Il parla des humiliations que subissent non seulement les détenus, mais aussi celles et ceux qui veulent venir les visiter. Sur son propre cas, il a eu cette phrase pleine de peine et d’esprit de victoire :

« En prison, l’inconscient est ce qui sauve la vie. »

Le statut de réfugié politique qui est dorénavant le sien au Brésil interdit à Battisti de s’exprimer sur des questions politiques. Interrogé au sujet de son dernier livre, « Face au mur » (Flammarion), il a avoué qu’il clôturait un cycle de livres  autobiographiques. Ce livre était le premier écrit directement en Français dans sa bibliographie. Il a expliqué ainsi le choix de cette langue :

« C’était pour oublier l’Italien, et l’Italie. J’ai quitté la France à cause de l’Italie. Ce choix était un refus. »

Il fut interrogé aussi sur ses autres livres, dont « Ser bambou », déjà paru au Brésil, et dont j’avais publié des pages manuscrites sur Rue89. Le bambou qui, comme Battisti lui-même, a la capacité de se prendre tout de face mais sans plier.

Ce qui restera dans tous les esprits, une fois bue l’émotion, c’est cet humour toujours présent chez l’Italien, et décuplé chez lui par l’ivresse de la joie, des retrouvailles, de la communication et de l’émotion. C’est cette voix stridente et si vivante, c’est ce sourire et ce regard de chat, ce sont ces blagues faites à Fred Vargas. Laquelle remarquait d’ailleurs, prenant Battisti à témoin :

« Les gens avaient peur de te trouver usé, minable. Les blagues que tu me fait montrent qu’au contraire tu as toujours ton humour indécrottable. »

Très ému en fin de séance, il remercia très chaleureusement les Frontignanais :

« Un homme tout seul, ça n’est rien. Sans vous, je ne serais pas vivant. […] Je n’ai jamais aimé les héros. D’ailleurs, si vous en croisez un dans la rue, changez de trottoir. »

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