Liverpool – Manchester : le canal historique du foot anglais
Ce soir donc, fin de la deuxième journée de la Premier League 2014-2015. Manchester City reçoit Liverpool FC. Le champion sortant reçoit son dauphin. Dès la deuxième journée. Les hasards du calendrier apportent leur dose d’inattendu à une affiche de titans.
On se rappelle, le 13 avril dernier, le dernier match entre les deux formations. On se rappelle ce moment où les Reds pouvaient encore croire au titre, après un match de feu. L’année même de la commémoration du drame d’Hillsborough, cette équipe était en tête jusqu’à quatre journées de la fin, avant de craquer sous la pression et de laisser passer les Citizens qui raflèrent le titre avec deux points d’avance sur son rival qui s’était effondré lors des ultimes matches. Mais qui finirait par se qualifier pour sa première Coupe d’Europe depuis 2010.
C’est vrai : la rivalité Liverpool-City n’a pas le même niveau que la rivalité entre Liverpool et Manchester United, les deux clubs les plus titrés du royaume d’Angleterre. Mais aujourd’hui, à Manchester, les Citizens (City) devancent les Red Devils (United) avec deux titres en 2012 et 2014 contre un seul (2013). Et surtout : cette saison, United ne jouera pas de Coupe d’Europe. C’est donc City qui défendra Manchester contre le voisin liverpuldien.
L’axe Liverpool-Manchester, c’est le canal historique du football anglais. En football, c’est la bataille d’Angleterre. Deux villes ouvrières, avec deux clubs chacune, et à chaque fois un en bleu et l’autre en rouge : les Toffees d’Everton et les Reds du Liverpool FC d’un côté, les Citizens de City et les Red Devils d’United pour la seconde.
Combat rock
Les Reds contre City, c’est aussi un combat rock. Liverpool, c’est la ville des Beatles, qui pourtant aimaient peu le foot. Et pourtant, dès 1964, Anfield Road reprenait en chœur les paroles de « Yellow Submarine ».
1964, l’année où les Reds redevinrent champions d’Angleterre. Le début de la gloire, vingt-cinq ans de titres et de domination du foot british. Le temps de devenir un très grand d’Europe, et de s’écraser sur les grilles du Heysel en mai 1985, barbarie hooligan, et sur la tragédie d’Hillsbourough, le 15 avril 89, quatre-vingt-seize morts chez les supporters.
Liverpool, c’est la classe ouvrière qui disparaît. Manchester, c’est la classe ouvrière qui a disparu. Manchester, première ville du pays à avoir été industrialisée, est berceau de la working class anglaise, s’était spécialisée dans l’industrie du coton.
A Manchester on a toujours aimé la black music. A Manchester, il y a une statue de Lincoln. Et dans les années 80, à Manchester, on a inventé non pas un groupe de rock, mais une histoire du rock.
Manchester, ville d’ouvriers, de poètes, de marginaux, c’est l’Angleterre devenue la vitrine de la Cool Britannia, slogan cher Tony Blair. Un chère Britannia devenue paradis de la City, quand les spin doctors de Blair avaient fait disparaître la gauche du champ politique.
Puis Manchester devint « Madchester », et devint un temps la plus belle scène d’Europe : Joy Division, les Smiths, les Buzzcocks, The Stone Roses, The Happy Mondays, Oasis. Madchester, ses différents rock, sa house music, son ecstasy, mais aussi son foot qui, de populaire, est très cher, comme partout en Angleterre.
Ce foot, dont Manchester City est le bad boy, et dont Oasis devint non pas le supporter, mais l’ambassadeur : « Don’t look back in Anger », immenses succès en 1996, devint l’hymne officieux du stade de City.
Mais le plus bel hymne du foot, hymne de tout, il appartient aux gars de Liverpool. Ce « You’ll Never Walk Alone », chanson de comédie américaine devenue un des hymnes des de la lutte pour les Droits civiques aux Etats-Unis, avant de traverser l’Atlantique pour devenir étendard pop de plusieurs clubs, dont le phare est Liverpool. On ne saisit pas ce qu’il y a d’historique, de social, de politique, d’éternel dans le lien entre un peuple et son foot si on ne pleure pas en entendant ça chaque week-end.
C’est comme ça que le foot, avec la musique, devient une histoire et une culture.
Racontée ici dans le Pop Corner que je tenais la saison dernière, dans l’émission « Comme on nous parle » sur France Inter.
(Écouter mon Pop Corner du 14/04/14, sur France Inter)
Même à l’époque du foot-business, dont Liverpool et surtout City sont deux grands navires amiraux, c’est aussi de cette histoire dont témoigne un match entre les deux. Ce soir, une Histoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire