13 mars 2014

«House of Cards» saison 2 : les agences tout vices

C’est toujours la série préférée de Barack Obama. Le 14 février, lorsque cette nouvelle saison de « House of Cards » avait débuté sur Netflix, le président américain avait demandé sur Twitter à ce qu’on ne lui en fasse aucun spoiler.

Puisqu’on parle du jour de la Saint-Valentin, autant appuyer d’emblée sur ce qui se voit dès l’affiche : Frank Underwood n’est plus le seul Machiavel.

Il partage l’affiche avec son épouse Claire, dont on connaissait déjà le potentiel. Le principal changement de cette saison 2, dont la diffusion sur Canal Plus débute ce jeudi soir, c’est l’équilibre du couple… s’épanouissant dans encore plus de perversité, de cynisme et de méchanceté.

 

La même, avec plus d’équilibre et de méchanceté

 

La saison 1 comptait un meurtre majeur, qui demeure un des axes du scénario d’une nouvelle saison qui, rassurez-vous, en comptera un aussi. On retrouvera aussi le sel de la série : coups bas, manipulations, trahisons, alliances objectives, surveillances. Tout ça, mais autrement.

Et bizarrement, si le tout met deux ou trois épisodes à réellement prendre, on y replonge goulument pour les dix suivants.

 

 

Le récit reprend à l’endroit où il s’était interrompu. Francis Underwood, le coordinateur de la majorité démocrate au Congrès, a accompli sa vengeance : le voici nommé vice-président. Il a démontré à ceux qui lui avaient refusé le département d’Etat qu’ils avaient eu tort de la sous-estimer. Ainsi, après les arcanes du pouvoir, ce sont celles du palais présidentiel dans lesquelles nous évoluerons ici : les services, les cabinets, mais aussi la diplomatie externe, les valets, les conseillers officieux. Nous passons des manigances et de la rancune d’un seul homme à la vie d’une ruche entière.

 

Les Underwood, ce sont les Clinton

 

A peine nommé, Underwood doit se trouver un successeur, et pousse un pion inattendu au poste de coordinateur. Il doit écarter la jeune et jolie Zoe Barnes, qui enquête sur la mystérieuse mort de Russo. Il aura affaire à l’ex-compagnon de la journaliste, Lucas Goodwin. Ayant gravi les marches vers toujours plus de lumière, le nouveau vice-président ne peut donc planquer ni expurger son passé aussi facilement qu’il le souhaiterait. Le passé devient ici un spectre, un fantôme… d’autant plus que ressurgit une ancienne affaire de viol, dont Claire avait été victime dans sa jeunesse. Le violeur revient, et force Claire à dévoiler un avortement. On devine la difficulté de ce coming-out, quand on est la deuxième femme d’un pays puritain.


Un spectre chacun, et une croix commune pour ce couple, qui s’équilibre dans le soutien mutuel, et s’épanouit dans une perversité bien supérieure encore à ce qu’on lui savait. Le couple existe plus encore, essentiellement parce que l’épouse existe par elle-même. Son caractère n’était qu’un contrepoint à un mari dont elle n’était que le contrepoids. A présent, c’est fini. Claire est cassée de l’intérieur, mais montre une persévérance qui lui donne un courage d’une couleur différente. Les Underwood, ce sont les Clinton.

Un pays qui existe enfin

 

On retrouvera aussi Raymond Tusk, le conseiller officieux du président Garett Walker. Un président dont on connaîtra, enfin, la vie privée. C’est ici une des nouveautés. Enfin ce président, inodore dans la saison 1, existe réellement. Toujours un peu faible, certes, mais enfin réel. Par là, les textes, les lois, les arrangements et les péripéties parlementaires que traite la série existent plus concrètement : que ce soit le régime de couverture social, le recul de l’âge de la retraite, mais aussi les menaces de cyber terrorisme. Ils semblent concerner non plus des palais et des gouverneurs, mais bien un pays. De même, toute la relation sino-américaine, qui est l’arc politique de cette saison : à travers les péripéties d’un accord sont traitées tous les aléas d’une diplomatie financière (faiblesse du yuan face au dollar, conséquences environnementales, construction ou pas d‘un pont, les bons du Trésor américain détenus par la Chine.

C’est par cette thématique qu’entre un nouveau personnage essentiel : Xander Feng, petit-fils d’un compagnon d’armes de Mao, pur produit du capitalisme d’appareil chinois, amateur de tradition comme de whiskies rares à 40 000 dollars la bouteille et de perversions sexuelles.

 

 

(Voir un extrait du premier épisode de la saison 2)

 

Quatrième mur décevant et inutile

 

Une des originalités de « House of Cards » était cette suppression du quatrième mur. Cette façon dont Underwood-Spacey s’adressait au téléspectateur, révélant plus encore son cynisme. Le premier épisode de ce nouveau chapitre se passe de cet artifice, et l’on se dit que Carl Franklin (réalisateur) et Beau Willimon (les scénaristes) ont peut-être trouvé une autre façon de nous surprendre. Mais non. A la fin du premier opus, narré classiquement, Underwood-Spacey e regarde dans le miroir. Puis nous regarde :

Vous pensiez que je vous avais oubliés ? Peut-être l’espériez-vous. Content de vous revoir

Dans tous les épisodes suivants, le téléspectateur se retrouve pris à parti comme avant. Paradoxalement, c’est ce qui blesse. On connaît trop la ficelle. Et surtout : le scénario étant plus équilibré, plus factuel, plus rebondissant aussi, ces prises à parti deviennent de sous-textes inutiles, même quand le vice-président se fait joueur (« Il y a deux types de vice-président. Les matés et les matadors. A votre avis, je compte être lequel ? »).

D’autant plus inutiles que, grâce au jeu de comédiens superbes et un rythme plus « humain », cette série machiavélique est une parfaite réussite, qui n’avait pas besoin d’artifices pour aller vers cette apothéose attendue mais, néanmoins, fatale et surprenante.

« House of Cards » est un paradoxe XXL. Une série qui réussit le pari d’être à la fois schématique (Bien/Mal) et complotiste tout en étant devenue, dans cette saison 2, ce que la précédente n’était pas : une série qui raconte, aussi, la vie des gens.

Ça tombe bien : Netflix a d’ores et déjà annoncé le lancement de la saison 3, qui devrait être disponible l’an prochain. Un an avant les élections présidentielles américaines…

 

Diffusion à partir de ce 13 mars, chaque jeudi à 20h55 sur Canal Plus. 13 épisodes de 50 minutes environ. Trois épisodes ce soir, puis deux par soirée.
Producteurs exécutifs: Beau Willimon, Kevin Spacey, Dana Brunetti, David Fincher, Josh Donen, Eric Roth, Andrew Davies, Michael Dobbs, David Manson. Coproducteur exécutif: John Mankiewicz. Producteur: Iain Paterson. Réalisateur: Carl Franklin. Scénariste: Beau Willimon. Inspirée du roman et de Michael Dobbs et de la mini-série britannique d’Andrew Davies.
Avec : Kevin Spacey, Robin Wright, Kate Mara, Michael Kelly, Sakina Jaffrey, Kristen Connolly, Sebastian Arcelus, Michael Gill, Molly Parker, Nathan Darrow

 

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