10 février 2014

«Braquo» sur Canal : une saison 3 qui braque vraiment

Qu’ils soient de la BRI, de la PJ, du renseignement ou de l’anti-terrorisme, les flics le disent d’eux-mêmes : en France, seules eux séries télé montrent la réalité du terrain, « Engrenages » et « Braquo ».

Ca tombe bien : ce lundi démarre la saison 3 de « Braquo ». Elle est meilleure encore que les deux précédentes (datant de 2009 et 2011).

Plus brutale. Plus vive. Plus émouvante et mélancolique aussi. Elle réussit l’exploit d’être à la fois plus noire encore, et plus surprenante dans son scénario. Elle peut s’appuyer sur une équipe de personnages clairement identifiés, que le spectateur suit jusque dans leurs ambigüités qui ne cessent de se dévoiler.

 Une saison 3 surprenante

 

Comme dans une bonne vieille Série Noire, on retrouve dans « Braquo » un univers connu des fondus du genre : au croisement de la mythologie du polar à la française (noir c’est noir, aucun espoir) et de la « fiction vraie ».

Rappelez-vous, la saison 2 déroulait une thématique de Francafrique, et allait se conclure sur des sourires : Eddy Caplan, Walter Morlighem, Théo Wachevski et Roxane Delgado étaient réintégrés au SDPJ 92. Mais non, dans une série crée par Olivier Marchal, ça ne pouvait pas finir ainsi. Chacun remontait dans sa voiture, et celle du jeune Wachevski explosait. Le portable de Caplan sonnait, et le noir tombait sur cette phrase narquoise que Vogel adresse à Eddy Caplan : « Quatre moins un, Caplan ». Vogel, l’ancien de l’IGS, qui poursuit Caplan et les trois autres depuis le début, et s’était promis leur mort le jour où il avait été exclu de la police.

Cette nouvelle saison s’ouvre sur l’explosion, et le portable qui sonne. Ce qui reste du groupe SDPJ 92 est encore plus anéanti et chacun cherche à surmonter sa peine face à l’état désespéré de Théo, artificiellement maintenu en vie.

 

(Voir la bande-annonce)

 

D’autant qu’une jeune femme s’est jurée, elle aussi, la mort de Caplan. Jeune femme dont le passé rejaillira comme une grenade au cours de la saison, changeant légèrement sa direction. Jeune femme qui, aussi, séquestre Vogel dès le premier épisode. Jeune femme qui parle Russe.

 

On parlera beaucoup Russe, dans cette saison 3. Un ancien policier met Caplan et ses hommes sur un très gros trafic orchestré par une puissante mafia de l’Est, dont les composantes se livrent une guerre fratricide en plein Paris. Une guerre de succession entre les membres de la Vory v zakone, des mafieux russophones mêlant des Russes, des Arméniens et des Géorgiens. Cette mafia n’est pas n’importe laquelle : c’est la confrérie des Vory v zakone (« les voleurs dans la loi »). L’aristocratie du crime organisé russophone, apparue dès l’époque tsariste et largement développée dans les camps de détention staliniens. Ses codes lui interdisent drogue et prostitution. Ses codes vont se diluer dans la guerre de succession…


De son côté, Vogel se prépare, et attend le bon moment pour tomber sur le groupe. De son côté, Roxane Delgado pète un câble. Elle comme les autres de l’équipe Caplan traversent cette histoire comme des fantômes, en mode plus automates que jamais. Chacun à leur manière, ils sont des zombies, des alias. Eux et Vogel sont, à leur façon, tous aussi timbrés. C’est ce qui, de justesse, évite aux huit épisodes de trop basculer dans ce qui fait la marque (gonflante, à force) des créations de Marchal : une auto-complaisance dans la noirceur et la violence.

Notons, pour précision, que Marchal avait quitté l’affaire au début de la saison 2, en total désaccord avec la production de ce qu’il estimait être devenu « une partouze immonde, om tout est grotesque et démesuré ».

 

La série se retourne sur elle-même

 

Grâce à sa trame sur les luttes de clans Vor, cette saison 3 gagne rapidement en intensité pour des raisons d’équilibre : à la guerre interne entre mafieux répond celle entre les étages de la hiérarchie policière.
Du coup, cette nouvelle saison, écrite comme la précédente par Abdel Raouf Dafri (à qui on doit aussi les scénarii de « Gibraltar » de Julien Leclerq, « Un prophète » d’Audiard ou des deux opus de « Mesrine »  de Richet) est la plus fine narrativement (attendez-vous à un retour en arrière secouant), la plus vénéneuse aussi. Les vengeances se déjouent comme elles se recoupent les unes les autres, donnant au final une saison où le monde de la série se retourne parfois sur lui-même.

(Aperçu de l’épisode 1)

 

Il fut des moments, auparavant, où le jeu des comédiens principaux tournait un peu en rond. Où chacun en faisait trop, renforçant la complaisance pour la noirceur. C’était Jean-Hugues Anglade (Caplan), dont on sait qu’i a travaillé une voix plus grave pour ce rôle, et qui cherchait trop à imiter l’allure d’Olivier Marchal (il a toujours avoué s’en être inspiré). C’était Nicolas Duvauchelle (Wachevski) qui la jouait trop voyou chez les flics ripoux, avec un « fils de pute » toujours prêt dans le distributeur automatique de répliques ; c’était peut-être réaliste, mais trop systématique pour faire un archétype de fiction. C’était Joseph Malerba (Morlighem) un peu trop collègue fidèle.

Peut-être est-ce dû à une thématique moins franco-française : toujours est-il que cette fois le jeu de tous les acteurs à l’œuvre, dosé autrement, est parfait. Juste et parfait.

Une grande réussite que cette saison-là.

 

 

Nouveautés et décorations

 

En 2012, pour sa saison 2, « Braquo » avait reçu le Prix de la meilleure série aux International Emmy Awards.

Toujours aussi réaliste, la saison 3 s’est dotée d’une arme nouvelle : une sorte de « conseiller vérité » en la personne de Jérôme Pierrat, spécialiste français du grand banditisme et du crime organisé. Un Pierrat très à la mode sur Canal, puisqu’on lui y doit plusieurs docs sur la question, comme dernièrement « Marseille gangsters ».

Autre nouveauté : vingt-quatre heures après la diffusion des deux premiers épisodes, ce lundi 10 février, le premier des deux sera disponible gratuitement sur l’une des chaînes YouTube du groupe.

Enfin, on dit que la série ne survivra pas à une quatrième saison en cours d’écriture. Rendez-vous est pris pour dans deux ans.

Pour réviser les deux premières saisons, regardez ce résumé

 

 

Et ne ratez pas cette grande réussite.

 

Jean-Hugues Anglade était l’invité de Pascale Clark dans « Comme on nous parle », ce lundi 10 février sur France Inter.

(Ecoutez le podcast de l’émission)

 

 

Braquo, saison 3. 8 x 52 minutes. De 10 février au 3 mars, 20h50, Canal +.
Ecrite par Abdel Raouf Dafri.
Réal. :  Frédéric Jardin (épisodes 1 à 4) et Manuel Boursinhac (5 à 8).
Production : Claude Chelli pour Capa Drama
Avec notamment : Jean-Hugues Anglade, Karole Rocher, Joseph Malerba, Nicolas Duvauchelle, Geoffroy Thiebaut, Isabelle Renauld, Arsène Jiroyan, Mark Ivanir, Xavier Schliwanski

 

>>  Article modifié le 10/02 à 11h52 : ajout du podcast « Comme on nous parle »

Qu’ils soient de la BRI, de la PJ, du renseignement ou de l’anti-terrorisme, les flics le disent d’eux-mêmes : en France, seules eux séries télé montrent la réalité du terrain, « Engrenages » et « Braquo ».

Ca tombe bien : ce lundi démarre la saison 3 de « Braquo ». Elle est meilleure encore que les deux précédentes (datant de 2009 et 2011). Plus brutale. Plus vive. Plus émouvante et mélancolique aussi. Elle réussit l’exploit d’être à la fois plus noire encore, et plus surprenante dans son scénario. Elle peut s’appuyer sur une équipe de personnages clairement identifiés, que le spectateur suit jusque dans leurs ambigüités qui ne cessent de se dévoiler.

 

Une saison 3 surprenante

 

Comme dans une bonne vieille Série Noire, on retrouve dans « Braquo » un univers connu des fondus du genre : au croisement de la mythologie du polar à la française (noir c’est noir, aucun espoir) et de la « fiction vraie ».

Rappelez-vous, la saison 2 déroulait une thématique de Francafrique, et allait se conclure sur des sourires : Eddy Caplan, Walter Morlighem, Théo Wachevski et Roxane Delgado étaient réintégrés au SDPJ 92. Mais non, dans une série crée par Olivier Marchal, ça ne pouvait pas finir ainsi. Chacun remontait dans sa voiture, et celle du jeune Wachevski explosait. Le portable de Caplan sonnait, et le noir tombait sur cette phrase narquoise que Vogel adresse à Eddy Caplan : « Quatre moins un, Caplan ». Vogel, l’ancien de l’IGS, qui poursuit Caplan et les trois autres depuis le début, et s’était promis leur mort le jour où il avait été exclu de la police.

Cette nouvelle saison s’ouvre sur l’explosion, et le portable qui sonne. Ce qui reste du groupe SDPJ 92 est encore plus anéanti et chacun cherche à surmonter sa peine face à l’état désespéré de Théo, artificiellement maintenu en vie.

 

(Voir la bande-annonce)

 

D’autant qu’une jeune femme s’est jurée, elle aussi, la mort de Caplan. Jeune femme dont le passé rejaillira comme une grenade au cours de la saison, changeant légèrement sa direction. Jeune femme qui, aussi, séquestre Vogel dès le premier épisode. Jeune femme qui parle Russe.

 

On parlera beaucoup Russe, dans cette saison 3. Un ancien policier met Caplan et ses hommes sur un très gros trafic orchestré par une puissante mafia de l’Est, dont les composantes se livrent une guerre fratricide en plein Paris. Une guerre de succession entre les membres de la Vory v zakone, des mafieux russophones mêlant des Russes, des Arméniens et des Géorgiens. Cette mafia n’est pas n’importe laquelle : c’est la confrérie des Vory v zakone (« les voleurs dans la loi »). L’aristocratie du crime organisé russophone, apparue dès l’époque tsariste et largement développée dans les camps de détention staliniens. Ses codes lui interdisent drogue et prostitution. Ses codes vont se diluer dans la guerre de succession…


De son côté, Vogel se prépare, et attend le bon moment pour tomber sur le groupe. De son côté, Roxane Delgado pète un câble. Elle comme les autres de l’équipe Caplan traversent cette histoire comme des fantômes, en mode plus automates que jamais. Chacun à leur manière, ils sont des zombies, des alias. Eux et Vogel sont, à leur façon, tous aussi timbrés. C’est ce qui, de justesse, évite aux huit épisodes de trop basculer dans ce qui fait la marque (gonflante, à force) des créations de Marchal : une auto-complaisance dans la noirceur et la violence.

Notons, pour précision, que Marchal avait quitté l’affaire au début de la saison 2, en total désaccord avec la production de ce qu’il estimait être devenu « une partouze immonde, om tout est grotesque et démesuré ».

 

La série se retourne sur elle-même

 

Grâce à sa trame sur les luttes de clans Vor, cette saison 3 gagne rapidement en intensité pour des raisons d’équilibre : à la guerre interne entre mafieux répond celle entre les étages de la hiérarchie policière.
Du coup, cette nouvelle saison, écrite comme la précédente par Abdel Raouf Dafri (à qui on doit aussi les scénarii de « Gibraltar » de Julien Leclerq, « Un prophète » d’Audiard ou des deux opus de « Mesrine »  de Richet) est la plus fine narrativement (attendez-vous à un retour en arrière secouant), la plus vénéneuse aussi. Les vengeances se déjouent comme elles se recoupent les unes les autres, donnant au final une saison où le monde de la série se retourne parfois sur lui-même.

(Aperçu de l’épisode 1)

 

Il fut des moments, auparavant, où le jeu des comédiens principaux tournait un peu en rond. Où chacun en faisait trop, renforçant la complaisance pour la noirceur. C’était Jean-Hugues Anglade (Caplan), dont on sait qu’i a travaillé une voix plus grave pour ce rôle, et qui cherchait trop à imiter l’allure d’Olivier Marchal (il a toujours avoué s’en être inspiré). C’était Nicolas Duvauchelle (Wachevski) qui la jouait trop voyou chez les flics ripoux, avec un « fils de pute » toujours prêt dans le distributeur automatique de répliques ; c’était peut-être réaliste, mais trop systématique pour faire un archétype de fiction. C’était Joseph Malerba (Morlighem) un peu trop collègue fidèle.

Peut-être est-ce dû à une thématique moins franco-française : toujours est-il que cette fois le jeu de tous les acteurs à l’œuvre, dosé autrement, est parfait. Juste et parfait.

Une grande réussite que cette saison-là.

 

 

Nouveautés et décorations

 

En 2012, pour sa saison 2, « Braquo » avait reçu le Prix de la meilleure série aux International Emmy Awards.

Toujours aussi réaliste, la saison 3 s’est dotée d’une arme nouvelle : une sorte de « conseiller vérité » en la personne de Jérôme Pierrat, spécialiste français du grand banditisme et du crime organisé. Un Pierrat très à la mode sur Canal, puisqu’on lui y doit plusieurs docs sur la question, comme dernièrement « Marseille gangsters ».

Autre nouveauté : vingt-quatre heures après la diffusion des deux premiers épisodes, ce lundi 10 février, le premier des deux sera disponible gratuitement sur l’une des chaînes YouTube du groupe.

Enfin, on dit que la série ne survivra pas à une quatrième saison en cours d’écriture. Rendez-vous est pris pour dans deux ans.

Pour réviser les deux premières saisons, regardez ce résumé

 

 

Et ne ratez pas cette grande réussite.

 

Jean-Hugues Anglade était l’invité de Pascale Clark dans « Comme on nous parle », ce lundi 10 février sur France Inter.

(Ecoutez le podcast de l’émission)

 

 

Braquo, saison 3. 8 x 52 minutes. De 10 février au 3 mars, 20h50, Canal +.
Ecrite par Abdel Raouf Dafri.
Réal. :  Frédéric Jardin (épisodes 1 à 4) et Manuel Boursinhac (5 à 8).
Production : Claude Chelli pour Capa Drama
Avec notamment : Jean-Hugues Anglade, Karole Rocher, Joseph Malerba, Nicolas Duvauchelle, Geoffroy Thiebaut, Isabelle Renauld, Arsène Jiroyan, Mark Ivanir, Xavier Schliwanski

 

>>  Article modifié le 10/02 à 11h52 : ajout du podcast « Comme on nous parle »

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