05 avril 2021

"Hippocrate 2", au chœur des urgences

Il y a pile un an, nous les applaudissions tous les soirs à vingt heures. Ce lundi 5 avril, les urgentistes et les réanimateurs sont à l’honneur de la nouvelle saison de la série Hippocrate. Rarement une fiction sera aussi bien tombée. D’autant que c’est encore une belle réussite. 

Après le succès mérité de la première saison, en novembre 2018, la série "hospitalière" revient à point nommé ce lundi 5 avril. Revoilà donc Chloé Antovska, Alyson Lévêque, Hugo Wagner et Arben Bascha, le quatuor d’internes incarnés par Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud et Karim Leklou. On retrouve aussi la cheffe du service de réanimation, Muriel Wagner et la directrice de l’hôpital, interprétées par Anne Consigny et Géraldine Nakache. Un casting qui s’enrichit d’un nouveau chef tatoué et charismatique.

Aux frontières du réel, toujours


Bien qu’elle n’aborde pas l’épidémie de Covid-19, on y pense forcément. C’est encore une fois la force de cette série : aborder de front le problème majeur du système hospitalier français – son démembrement, engendré par la logique ultra-libérale – avec une foison d’illustrations fictives qui, venant du terrain, sont suffisamment universelles pour ne pas avoir besoin de citer l’actualité réelle.  

On le sait : le projet Hippocrate (appelons-le ainsi) est comme un développement du film Hippocrate (2014). Les deux sont réalisés par Thomas Lilti, médecin généraliste et réalisateur. En 2016, il raccrochait la blouse pour se consacrer au cinéma. 

 Le tournage de cette nouvelle saison a débuté le 20 janvier 2020, comme la précédente au Centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger (Seine-Saint-Denis), nommé Centre Raymond-Poincaré dans cette fiction. Il a été interrompu par la crise de la Covid, entre mars et juin. Lilti s’y est alors engagé comme médecin bénévole. Le tournage a repris après le premier déconfinement, en juin.
Entre temps, la réalité avait (encore) rattrapé la fiction.

En plein troisième confinement, Hippocrate devient plus encore la fiction idéale pour nous immerger dans le contexte hexagonal. Qui donne encore plus de sel à la dimension sociale de la série. Qui accroît sa dimension réaliste (si besoin était).

On se rappellera ironiquement que la première saison racontait l’arrivée de nos quatre mousquetaires internes (Chloé Antovska, Alyson Lévêque, Hugo Wagner et Arben Bascha, donc) dans un hôpital qui était… en quarantaine. Un des chefs de l’établissement avait contacté un virus, renvoyant chez eux les médecins titulaires du service de médecine interne. Notre quatuor inexpérimenté allait devoir faire bloc.
La fin du premier acte voyait Chloé Antovska côtoyer la mort. Et Arben Bascha contraint de lâcher ses partenaires. On ne divulguera pas ici le secret qui l’y forçait, car il irrigue aussi cette nouvelle saison. 


On ne spoilera rien, en revanche, en révélant qu’Antovska est de retour au service de médecine interne. Mais avec des séquelles : trous de mémoires, et une main qu’elle ne peut plus utiliser à cent pour cent. Une des trames de ces huit nouveaux épisodes sera de la voir recouvrer toutes ces facultés (ou pas), et de convaincre sa hiérarchie qu’elle pourra exercer.
Bascha, lui, est devenu secouriste à l’ordre de Malte. C’est pour un sauvetage de patients intoxiqués qu’il reviendra à Poincaré.
Le quatuor va être reformé.

Prévenons d’emblée : pour suivre le fil des relations intimes, amicales et professionnelles entre les protagonistes dans cette saison 2, il faut avoir vu la première.

(Voir la bande-annonce)



Distinguer les vies sans faire le tri


Dès le premier plan, on est immergé. A la suite de l’éclatement des conduites d’eau aux urgences, celles-ci sont inondées et doivent déménager à l’étage de médecine interne. Celui de nos quatre héros. Qui vont être obligés de prendre en charge des cas pour lesquels ils ne sont pas formés. Dans un service qui n’est pas adapté. Chloé, Hugo et Alyson sont placés sous l’autorité d’un nouveau personnage : le docteur Olivier Brun (interprété par Bouli Lanners). Une nouvelle fois, nos protagonistes sont placés dans une double urgence sanitaire et administrative. Qui constitue l’arche dramatique des débordements passionnels, des missions vitales, des nouveaux enjeux psychologiques et/ou amoureux entre les internes, les urgentistes, les titulaires, mais aussi tous les accidentés qui arrivent là. 

Vocations, passions et engagement, ces idéaux dont le propre est d’être de long terme sont, comme toujours, sans cesse entravés par des enjeux de très courts termes : sauver des vies. Il faut aussi distinguer la gravité (ou pas) des causes qui amènent les gens aux urgences. Il faut sentir quand un signe clinique cache une cause psychiatrique. Ici, on ne fait pas le tri.
Si cette saison 1 voit une affluence de personnages, elle voit aussi une sur-affluence aux urgences. Cette saturation est malheureusement fidèle aux faits (on n’ose imaginer ce que donnera, ou donnerait, une saison 3 qui traitera de la Covid). Mais on pourra regretter qu’elle en vienne à boucher l’existence des personnages secondaires, à commencer par ces infirmières-chef qu’on avait vues à la saison initiale, et qu’on aurait aimé mieux sentir dans celle-ci.

Néanmoins, le scénario parvient à retomber toujours sur ses pieds. Notamment par ces sas que deviennent la cantine et l’internat. Notamment par l’évolution borderline d’un autre interne, Igor Jurozak (joué par Théo Navarroc-Mussy). Notamment grâce à la fougue du jeune Wagner. Grâce à l’étrangeté de Chloé, dont on ne saisit jamais trop le jeu mais c’est tant mieux. A la radiation d’Arben, plus transperçant encore. Et, aussi, à ce docteur Brun, cette sommité à tatouages qui planque un lapin géant (!) dans un coin de son service : Boulil Lanners l’interprète comme s’il jouait une divinité nordique, et on passe la saison à se demander si ce gars-là est un modèle alternatif de diable ou bien d’humanité. 



Hippocrate, ou le bon sens de la vogue des séries médicales


Sans jamais surjouer l’alarmisme, Hippocrate montre à nouveau ces humanités étranges, réelles, alternatives, celle de gens toujours entre trop de patients. Qui, sous ces sempiternels et glabres néons qui parfois lâchent, doivent trouver et montrer cette fameuse "lumière au bout du tunnel" - refrain de ce printemps 2021 -.

Depuis les années 1990, en France comme partout, les séries "médicales" sont devenues un genre à part entière des séries télé. Pêle-mêle, citons Urgences, Dr House, The Good Doctor, Chicago Med, The Knick, voire H ou Grey’s Anatomy. Chacune a une fonction de divertissement précise, certaines ont un vidée pédagogique, réaliste. Certaines penchent du côté dérégulé et néo-libéral du système hospitalier.
Hippocrate a bien des atouts, et l’un d’eux est d’être une série qui montre sans dénoncer. Il est donc des fois où, dans les histoires aussi, les faits se suffisent à eux-mêmes. 





Hippocrate, Saison 2
Création originale Canal +
8 x 52 mn
Crée et réalisée par Thomas Lilti
Scénario et dialogues : Anaïs Carpita, Claude Le Pape et Thomas Lilti, avec la collaboration de Mehdi Fikri, Julien Lilti, Charlotte Sanson
Produite par Agnès Vallée et Emmanuel Barraux pour 31 Juin Films, En coproduction avec Les Films de Benjamin
Avec : Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Karim Leklou, Zacharie Chasseriaud, Bouli Lanners, Anne Consigny, Géraldine Nakache
2021
Diffusion sur Canal + à partir du 5 avril, les lundi à 21 h, deux épisodes par soirée. Disponible ensuite sur myCanal




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