28 janvier 2013

De Mourinho à Guardiola en passant par Milan, Barça, une Ferrari et Helena : ce que vous lirez dans «Moi, Zlatan Ibrahimovic»

Dimanche soir, Zlatan Ibrahimovic jouait contre Lille, au Parc, devant les caméras de Canal. Il n’a pas marqué. Une heure avant, la mégastar du PSG, des Guignols et du dictionnaire suédois, était devant d’autres caméras. Celles de TF1, qui avait eu la première exclu du joueur pour son livre.

Car, oui, cette semaine, on parlera aussi de lui pour ça.

Cet évènement qui contribua à le faire entrer au dictionnaire, et qui le fit arriver en finale du Goncourt suédois. Dans deux jours paraîtra « Moi, Zlatan Ibrahimovic », que je présenterai ce soir avec son co-auteur, le journaliste suédois qui a écrit les confessions du joueur, David Lagercrantz.

 


 

Plus Inter que Barça

 

Après avoir annoncé un tirage de 30 000 exemplaires en novembre, les Editions Jean-Claude Lattès, qui publie le best-seller promis, annoncent aujourd’hui un tirage de 60 000 exemplaires.

En avant-première, voici la substantifique moelle de ce que vous lirez dans ce livre, aussi charpenté que l’homme qui en est le sujet : 440 pages écrites à la première personne, brutes de décoffrage, ne s’embarrassant ni de style ni d’effets, mais allant droit au nerf. On est donc plus proche du réalisme de l’Inter que de l’école de l’Ajax ou du Barça.

 

Mourinho vs Guardiola

 

« Pep Guardiola » sont les deux premiers mots du livre. Quasiment tout le premier chapitre, dont une partie avait déjà filtré dans la presse en 2011, est un règlement de compte avec l’ancien entraîneur catalan :

En ce temps-là [2009, Ndla], je pensais qu’il était réglo, pas vraiment le style de Mourinho ou Capello, mais un type bien. C’était avant que nous commencions à avoir de sérieux désaccords, tous les deux

Quand ce n’est pas l’entraîneur, ce sont les joueurs qui prennent, et à travers eux l’esprit maison :

Pour être honnête, pas un des gars ne se comportait comme une vedette, ce qui était étrange. Messi, Xavi, Iniesta et toute la bande se tenaient comme des petits écoliers. Les meilleurs footballeurs du monde étaient plantés là, la tête baissée, et je n’y comprenais rien. C’était ridicule

C’est que, voyez-vous, dès ses premiers entraînements dans un club où il avait tout fait pour aller, Guardiola lui fit comprendre, qu’ici, « on garde les pieds sur terre », et… on ne vient pas s’entraîner en Ferrari ou en Porsche. Or, depuis toujours, la vitesse et les voitures sont une passion zlatanienne. On apprendra dans le livre que, transféré à la Juventus le 31 août 2004 pour 20 millions d’euros, Ibra avait exigé qu’une Ferrari Enzo soit négociée en même temps que son contrat. Ainsi, arrivant à Turin, le suédois, qi venait alors de l’Ajax Amsterdam, roula directement dans le dernier trésor produit par la firme italienne, et fabriquée à 399 exemplaires. Il roula donc sans passer par la file d’attente, et sans trop payer.

 

Après avoir correctement concassé l’éthique Barça et catalogué les insultes proférées à son ennemi, comme : « Tu n’as pas de couilles ! », et « des choses bien plus terribles que ça », finissant par « Tu te fais dessus face à Mourinho. Tu peux aller au diable ».
Ibra tresse des lauriers à… José Mourinho, forcément :

 

Il est l’exact opposé de Guardiola. Quand Mourinho allumait la lumière dans une pièce, Guardiola tirait les rideaux. Je pense que Guardiola essayait de l’égaler

 

Certes, ces extraits avaient filtré, mais, une fois relus, ils plantent le décor et le ton du livre. Un ton, un angle, une portée, qui seront tenus tout du long.

 

Vous avez demandé un vélo ? Appeler Zlatan

 

La rébellion est ce qui marque au fer le mètre quatre-vingt quinze suédois. Qui enchaîne ensuite sur l’enfance à Rosengard, périphérie de Malmö. De mère croate catholique et père bosniaque et musulman bientôt séparés, le jeune homme est rapidement livré à lui-même. Il vit chez sa mère, avec le frère et la demi-sœur qui se planque aux toilettes pour se piquer, « dans un quartier plein de Somaliens, de Turcs, de Yougos, de Polaks, plein d’immigrés et de Suédois. Tous les gars du coin se la jouaient. Un rien pouvait nous faire dégoupiller et les choses n’étaient pas faciles à la maison ».

Quand le père achète un lit chez Ikea, il n’a pas assez d’argent pour le faire livrer et doit le porter lui-même. Zlatan ne portait alors que les montants. Bientôt, il portera des frigos. Et volera des vélos. On apprendra qu’une bonne partie de son enfance fut consacrée à trouver des vélos à voler. Mais rapidement arriva le sport. Le foot. L’adoration du Brésilien Ronaldo.

On m’a demandé ce que j’aurais fait si je n’étais pas devenu footballeur. Je n’en ai pas la moindre idée. Peut-être serais-je devenu un criminel

S’avouant avoir toujours été bagarreur et cinglé, Ibra écrit aussi

Je dois vous dire que depuis mes débuts au Malmö FF je n’ai toujours eu qu’une seule et même philosophie : n’en faire qu’à ma tête

 

Une carrière, des buts, mais surtout des hommes

 

Le ton du livre est toujours à l’avenant de cette phrase. Ibra est d’une famille, et d’un univers, ou s’excuser n’a jamais été une constituante culturelle.

Si quelques passages sont intimes, comme la rencontre et l’énorme travail d’approche de sa future compagne Helena, la majeure partie du livre passe en revue la carrière et les clubs du surdoué, de Malmö à Milan (publiée en 2011 en Suède, la confession prend fin quand le Milan AC gagne le Scudetto cette année-là) en passant par l’Ajax, la Juve, l’Inter, le Barça, la sélection suédoise et le Milan AC). C’est l’occasion de revivre par écrit de nombreux buts, mais aussi toutes les phases de négociations, au fil desquelles le joueur devient de moins en moins dupe… de ses propres agents.

C’est aussi l’occasion pour lui de rendre de nombreux hommages, essentiellement à des entraîneurs ou directeurs sportifs : Léo Benhakker, qui le fit venir à l’Ajax, Fabio Capello, qui extirpa l’Ajax qui était en lui, le forçant à préférer le but simple au joli but, les différents sélectionneurs suédois et donc, surtout, Mourinho (« Je serais prêt à mourir pour ce mec »).

Le joueur à qui Ibra rend le plus vibrant hommage est Maxwell, qui l’hébergea à Amsterdam, qui le côtoya à l’Inter puis au Barça, et à présent au PSG.

La place du mort, dans le livre, est comme on l’a vu, à jamais réservée à Pep Guardiola. On attend avec impatience une confrontation PSG-Bayern la saison prochaine. Il en est un autre qui en prend plein la vue : son ancien coéquipier à l’Ajax Rafael Van der Vaart, « un Hollandais, un petit prétentieux, comme tous les Blancs de l’équipe », dont on sait qu’il prétexta que le Suédois l’ait intentionnellement blessé lors d’un amical et estival Pas-Bas- Suède en 2004 pour le forcer à quitter le club de la capitale.

 

Bilan : un livre tout à fait fidèle au joueur

 

Confessé tout à fait librement et volontairement par le joueur, le lire est à son image : frondeur, hyper-mâle, agressif envers certains, cajoleur envers d’autres, et pétri d’un égocentrisme titanesque. Le fan de foot y trouvera son bonheur, revisitant de l’intérieur une carrière encore en cours… et en France.

Ibra a l’honnêteté d’être sincère avec le lecteur, et de ne pas se pardonner l’impardonnable.

 

Dans le même temps, il donne ce qu’il a envie de donner, et ce qu’on sait s’attendre à lire (enfance difficile, etc). On aurait en fait aimé en apprendre plus sur l’homme, sur son travail sur sa propre violence depuis qu’il est père, sur sa vision politiques des mondes traversés, sur le foot-business. Quitte à faire un livre et s’appeler Ibra, autant y aller.

 

Cela manque, cela pêche.

 

Mais nous dirons quand même que la sincérité l’emporte, et que c’est aussi le genre de livres qui peuvent faire mentir cette légende, en partie vraie, que ceux qui aiment le foot ne lisent pas de livres sur le foot.

 

Moi Zlatan Ibrahimovic – Mon histoire racontée à David Lagercrantz, JC Lattès, trad. O. Villepreux, 440, p, 20 euros – parution le 30 janvier

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