17 juillet 2013

Au centre de l’Olympique de Marseille, une liberté de la presse menacée

Même Bernard Tapie, qui a pourtant déjà mis des gnons à un journaliste (Pascal Praud, en octobre 2001) n’avait pas osé. Vincent Labrune, l’actuel président de l’OM, l’a fait : privatiser une partie de l’information sur son club. Entraver le travail de la presse.

L’OM. Ah, l’Ohèèmmee. C’est le club de mon cœur, et il me fend le cœur.

Comme si le foot français avait besoin de cela…

 

Le boss du club phocéen n’a pas trouvé mieux, pour embellir son avant-saison, que de pondre un nouveau règlement intérieur que la police nord-coréenne pourrait traduire sans aucune difficulté. Signalons au passage qu’il n’y avait aucune urgence, à Marseille, d’inventer un nouveau règlement intérieur, dans une période où ce qui se règle est le départ et, plus encore, l’arrivée des meilleurs joueurs –et staffs- possible.

 

Le règlement est tombé ce mardi, et enflamme la toile et le milieu de la presse sportive depuis cette après-midi. A tel point que, si le service de presse du club ne répondait ce soir, et si l’OM n’a publié aucune réaction officielle suite à l’incendie allumé, l’attaché de presse a quand même signalé, au site Rue89, que le document écrit et publié était

un document de travail pas forcément définitif

 

Un rétropédalage un peu forcé, tant est virulent le texte écrit par la direction. Il est très clair, et paraît taillé pour être définitif. Gageons qu’il sera modifié.

 

Le règlement de Labrune

 

Le texte s’articule en autant de points :
1/ le Centre d’entraînement Robert Louis-Dreyfus
2/ le club possède une société filiale, OM Medias, qui regroupe les « médias officiels OM », lesquels sont une source de revenus pour le club.

 

C’est pourquoi tout ce qui se passe au centre RLD passe par OM Médias. C’est pourquoi les entraînements et conférence de presse, qui se déroulent au complexe de la traverse Martine, bien connu de supporters et des journalistes (j’y vais les yeux fermés) sont ce qui est visé par ce nouveau règlement. Dont les points essentiels sont :

  • seuls les médias officiels ont le droit de retransmettre les conférences en direct et en intégralité : OM TV et le site Internet
  • obligation d’appartenir à une liste d’accrédités pour assister aux conférences de presse
  • aucun entretien en tête-à-tête avec un joueur ne dépasse 20 minutes ; le club se donne le droit de « suspendre, retirer ou annuler » une accréditation en cas de manquement au règlement
  • les autres chaînes n’ont le droit de diffuser que 120 secondes de la conférence, au plus tôt une heure après sa fin, si le club est d’accord
  • « Dans ce cadre, les communications (appels et réceptions), SMS, navigation internet et toutes autres utilisations des téléphones portables ou des tablettes numériques sont strictement interdites au cours des POINTS PRESSE OM. En conséquence, les téléphones portables et tablettes numériques doivent être éteints et mis hors service »
  • « L’usage d’ordinateurs portables dans la salle de conférence de presse OM n’est permis qu’à des seules fins professionnelles (rédaction de texte sur fichier word… ) »

 

 

Censure et privation : ces sœurs jumelles

 

Que l’OM fasse ce qu’il veut dans un centre d’entraînement dont il est propriétaire depuis une date récente, personne ne le remettra en cause. Mais l’information est un droit majeur, et revêt une dimension publique, politique, que personne ne niera non plus. La remettre en cause, c’est la censurer.

 

Le site (de journaliste et de passionné) OM Replay réagissait dès mardi soir, et posait la bonne question :

L’OMTV sera le seul média à pouvoir diffuser en direct les conférences de presse. Si demain Canal+ ou BeIn Sport, grands argentiers du football français et donc de l’OM, veulent le faire, on leur dira non? Alors qu’ils ont claqué des millions d’euros en droits télé?

 

On peut penser que ce nouveau règlement, un peu policier quand même, est destiné à éviter que se reproduisent des couacs comme celui de fin novembre 2012, quand le fils Tapie, sur France Bleu Provence, balançait en direct le 06 de Vincent Labrune. Une scène relayée par tous les médias du pays.

 

Mais, comme le sous-entend la réaction d’OM Replay, c’est bien la privatisation de l’information, sœur jumelle de la censure, qui est à l’œuvre. Il s’agit pour le club de tout contrôler, améliorant au passage les abonnements et les revenus d’OM TV. Une démarche qui est une tendance de plus en plus marquée : les clubs de foot sont tentés de réserver leur communication aux médias leur appartenant (l’OM, ici) ou leur étant très proches (le PSG avec beIn Sport).

 

L’UJSF se saisit du dossier

 

Signalons ce point essentiel : OM TV est certes une chaîne de télé, mais n’est pas un média. Les animateurs de cette filiale de l’OM sont salariés du club, et ne sont pas sujets à la déontologie journalistique. Leur travail, louable, est de rendre compte de la vie du club.

Ce mercredi, l’Union des journalistes de sport en France (UJSF) a vivement réagi dans un communiqué :

Ce document bafoue clairement et ouvertement la liberté de presse et l’indépendance des journalistes. Il édicte des règles en totale contradiction avec les libertés d’informer, s’appuyant principalement sur le caractère privé du centre d’entraînement Robert Louis-Dreyfus

 

L’UJSF est par ailleurs prête à riposter :

En contact avec les patrons de presse qui nous ont sollicités, avec les journalistes de sport indignés, nous allons mettre en place une réponse à ce dispositif imposé sans concertation. La cellule de crise mise en place dès ce matin étudie désormais toutes les possibilités qui s’offrent à elle pour contrer ce dispositif désastreux pour la profession et pour les médias

 

On espère en le rétropédalage signalé à Rue89 par Alexandre Rosée, l’attaché de presse du club. Parce qu’on aime l’OM, et parce qu’on aime notre métier.

 

A suivre…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire