24 avril 2012

«Mapuche» : quatre ans après «Zulu», le nouveau Caryl Férey (1/2)

En 2008, il y avait eu l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche, l’histoire des infirmières bulgares, la crise financière, la demande en mariage de Domenech suite au fiasco de l’Euro. Il y avait eu aussi « Zulu », le dixième roman noir de Caryl Férey (auquel il faut ajouter deux-trois recueils et quelques romans jeunesse).


 



En 2008, il y avait eu l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche, l’histoire des infirmières bulgares, la crise financière, la demande en mariage de Domenech suite au fiasco de l’Euro. Il y avait eu aussi « Zulu », le dixième roman noir de Caryl Férey (auquel il faut ajouter deux-trois recueils et quelques romans jeunesse).

En 2012, il y aura aussi un Euro, Obama est toujours là, la crise de la dette l’est plus que jamais, Sarkozy on ne sait pas. On ne parle plus des infirmières bulgares. Mais on reparlera –enfin- de Férey, qui livre ce 27 avril son nouveau roman. Et disons-le dès lors : « Mapuche » hisse d’un cran encore le niveau littéraire de son auteur.

En quatre ans, Férey a publié un roman noir interactif, un bon épisode du Poulpeco-écrit avec Sophie Couronne et un nouveau roman pour la jeunesse.

 

En quatre ans, en vertu des sept prix (si, si, et notamment le Grand Prix des lectrices de Elle, celui du Nouvel Observateur et celui des lecteurs de Quais du Polar en 2009) obtenus par « Zulu », Férey est parvenu au succès qu’il méritait : 53 496 exemplaires vendus en grand format, 162 486 en poche (chiffres Edistat). L’an prochain, le roman sera porté à l’écran par Jérôme « Largo Winch » Salle.

 

A mon sens, des romans tels « Haka » (1998) et « Utu »(2004) avaient déjà montré que cet auteur, né en 1967 et apparu lors de la vague du polar de 1995 (Dantec, Izzo, etc) était majeur. Férey tient ses histoires grâce à une langue tonique, possédée. Il les guide grâce à des personnages puissamment campés, aussi possédés que son écriture, et carrément inoubliables :

  • Jack Fitzgerald, ancien boxeur devenu flic métis maori, le chaman Zinzan Bee, Paul Osborne (« Haka », « Utu »)
  • Ali Neuman le flic zoulou ou Brian Epkeen l’Akrikaner dur à cuir dans « Zulu »
  • La sublime mapuche Jana dans ce nouveau roman

 

J’ai toujours pensé, dit, écrit que Férey était un Grangé en plus politisé et en plus littéraire encore (précision : ici, on aime bien l’auteur des « Rivières Pourpres »). Férey appuie intensément sur le suspense, sur le sang, sur la noirceur. Mais il ne le fait pas seulement à des fins scénaristiques. Il le fait car, politiquement, ses personnages sont des perdants… magnifiques. Spoliés par un pouvoir politique (les Maoris), leur famille, leur compagne. Les personnages de Férey vivent dans un pays sans avoir de patrie. Et, comme la majeure partie de la population mondiale, ils sont victimes de systèmes qui ont rendu les armes devant l’économie. Leur monde est noir, comme le nôtre. Leurs yeux sont noirs, comme les romans du même nom. S’il y avait un polar altermondialiste en France, Férey serait son étendard.

 

Car Férey, en bon Breton (d’adoption ; il est Normand de naissance), est un voyageur. A ses 22 ans (nous dit son site), il fit un premier tour du monde. Plusieurs suivirent. Aussi a-t-il mené ses pas et ses lecteurs en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, et ici en Argentine. Des voyages politisés, possédés, pour un roman noir français comme seul Dantec a su en écrire depuis vingt ans. Ce dernier est devenu néoconservateur, Férey, lui, est resté très à gauche (précision : ici, on aimait intensément le premier).

 

D’ailleurs, comme Dantec, l’auteur de « Zulu » est très rock : longtemps proche d’un ancien Noir Désir, Férey cite aussi bien The Clash, Stiff Little Fingers, PJ Harvey, les Young Gogs, ou Jeff Buckley que Glenn Gould, Nietzsche, Crumley, Lacenaire ou Pessoa.

 

Bref, cet auteur-là empreinte autant à l’histoire récente du roman noir qu’à plusieurs autres formes culturelles contemporaines.

Férey est un auteur chez qui

« Dans un flash aveuglant, la foudre déchira le monde »

 

Ou encore

« Paul retint son souffle, hypnotisé par la puissance du haka : ils dansaient comme on vide un chargeur »

 

Et vous savez quoi ? « Mapuche » est fait de la même (v)engeance. Et il est mieux encore. Pourquoi ? Eh bien vous le saurez demain, en revenant à cette adresse.

 

Pour patienter, ce dialogue extrait de « Haka » :

« – Vous aimez quoi dans la vie ?
– L’idée d’un sentiment commis à deux. »

 

Caryl Férey et quelques amis

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