15 août 2012

Décryptage d’un maillot de foot : que signifiait la tenue de l’OM face à Reims ?

Aux débuts du ballon rond, le maillot, le short et la chaussure étaient de simples instruments : on les enfilait pour jouer le match, puis on les retirait. Puis, tout au long du XXe siècle, les tenues sportives devinrent le reflet du design et de la mode masculine de l’époque. Dans le même temps, le maillot de foot devint également un outil d’identification à son club, et donc à sa ville, pour le supporter. A Marseille, à Naples, à Barcelone, en Angleterre, on porte le maillot de son club en ville, comme un tee-shirt. Accessoire de mode et de complicité sociales comme le furent nos polos Fred Perry, nos blousons Harrington et nos Doc Martens.

Au XXIe siècle, l’enjeu du maillot s’amplifia : la technologie et le merchandising mis en œuvre par les équipementiers le transformèrent en produit phare pour la marque en même temps que produit dérivé pour le club. Résultat : depuis le foot-business, les clubs ont deux ou trois jeux de maillots… par saison : un « Domicile », un « Away » (extérieur), et un « Third » pour les Coupes d’Europe ou éventuellement la Coupe de la Ligue.

Des maillots que les fans peuvent acheter, dans des technologies un peu plus simples que ceux portés par les joueurs, dans les magasins aussi bien que sur internet. Un maillot vaut environ 80 euros. Il est des supporters qui chaque saison achètent plusieurs maillots de leur club. J’en fais partie -la tunique marseillaise dont je parlerai ici, je l’ai achetée dès qu’elle est sortie.

Un maillot, c’est aussi un blason, une tranche d’histoire

Parmi les enquêtes réalisées pour le « DonQui Foot », seuls deux équipementiers avaient accepté de me répondre, et de me livrer quelques secrets de fabrication. Adidas m’avait expliqué comment il déclinait les valeurs du club et les codes couleurs afin d’obtenir chaque année trois maillots distincts, mais complémentaires. Car un maillot n’est pas qu’un bout de tissu qui affiche le sponsor du club et le numéro du joueur –d’ailleurs, les équipements sportifs contiennent dorénavant très peu de tissu, à la faveur de technologies de pointe et de synthétique.

Le « Domicile », le « Away » et le « Third » sont bien sûr conçus par le même équipementier, et représentent tous une part différente de l’histoire du club, de l’image de la ville, de son importance, de ses symboles.

Oui, quelque part, chaque saison, étudier le maillot d’un club, c’est comme faire un peu d’héraldique. A fortiori lorsqu’il s’agit du club le plus populaire de France : l’OM.

On se souvient de la tragi-comédie du maillot « Third » et de sa faute d’orthographe, avec lequel le club phocéen se baladera toute la saison, alors que la ville sera capitale européenne de la culture…
Mais aujourd’hui, il sera question de décrypter le maillot « Away » de l’OM. Que portaient exactement les joueurs qui ont entamé le championnat dimanche dernier contre Reims ?

Décryptage

En général, un maillot « Extérieur » représente moins l’image du club que celle de la ville. Il symbolise le rayonnement d’une cité en dehors de ses propres murs. Après des maillots fort réussis ces dernières saisons (en particulier le très joli maillot jacquard de 2008-09, photo ci-dessus) qui se voulaient représentatifs de la fameuse (et fausse) harmonie de la mixité à Marseille, Adidas (équipementier du club) a moins osé, cette année : le maillot représente l’OM, pas la ville.

Mais il est très réussi. Et rempli son rôle.

 

Le jersey des années Tapie

Comme chaque année, le bleu est différent de celui des années précédentes. Cette année : jersey. Cette année : des bandes brillantes alternent avec des bandes mates.
Ca ne vous rappelle rien ?
Eh oui.
Tout à fait : ce bleu et ces bandes, le club les portaient déjà lors de ses matches à l’extérieur dans les années 1989/1992. Un temps où seuls les sponsors changeaient d’une saison à l’autre, et où un maillot durait plus d’une saison. Papin, Sauzée, Tigana, Vercruysse, Francescoli, Mozer, Casoni, Di Meco, Waddle ou Abedi Pelé portèrent ce jersey-là.

Aujourd’hui, André et Jordan Ayew (fils d’Abedi Pelé) portent un maillot qui fait plus que cligner de l’œil au modèle de base : il supplie que reviennent le succès des années Tapie.

Des armoiries de 1972

Ces couleurs réussies et leurs raisons d’être sont une chose. A la vue de cette tunique, une autre chose frappe d’emblée : un coté rétro. On met du temps à trouver quel détail donne cette impression, car la technologie et la coupe sont tout à fait modernes.

Peuchère, c’est bien sûr : les bandes tricolores, et surtout l’écusson.

Les armoiries du club phocéen ont plusieurs fois évolué depuis août 1899 : l’aspect musée en 1899, la version templiers de 1935, le kitsch en plusieurs tons et couleurs entre 1986 et 2000, l’arrivée de l’étoile après la victoire de 1993, et la version actuelle, qui existe depuis 2004, et qui place le mythique « Droit au but » non plus dans le logo, mais sous.

Mais pourtant, on notera qu’il n’y a pas de « Droit au but » sur l’écusson de ce maillot 2012-13.

En cherchant dans nos mémoires, ou dans nos armoires, on verra que ce logo est une copie quasi conforme de celui de… 1972 ! Qui n’avait pas, non plus, la devise au cœur. Ce logo fut porté par Trésor, Jairzinho, Magnusson, Skoblar, Zvunka, et emporta deux Coupes de France et un titre en 1972 et 1976.

Ce logo est aussi celui des années noires : la descente en 1980, la D2 jusqu’en 1984.

Ce logo dura… jusqu’aux années Tapie, qui débutèrent en 1986.

Ce logo représente le meilleur (une grande période du club)  et le plus bas (D2, présidents changeants) de l’histoire de l’OM. Dans sa vidéo de présentation, l’équipementier angélise donc un peu la réalité.

 

 

L’affaire du liseré

L’autre détail qui évoque un style rétro, c’est le liseré. Le maillot est serti d’un liseré tricolore au col et aux manches.

Pour le fan de foot, cela rappelle directement le liseré du maillot Manufrance des grands Verts au milieu des seventies.


Mais Saint-Etienne était alors champion en titre, et épatait l’Europe. A cette époque, on le sait, les plus forts étaient les Verts. On ne peut pas en dire autant de l’OM, qui n’est plus rien de tout ça depuis son titre de champion de France en 2010. Dans l’Equipe de ce jour, on apprend que porter des liserés bleu-blanc-rouge sans être champion national n’est pas contre le règlement de la Ligue Nationale de Football, qui signale qu’ « il n’y a pas de réglementation en la matière » et que « ça relève plus de l’esthétique ».

Contrairement à la faute d’orthographe, l’équipementier a donc bien vérifié. C’est certes un peu narquois et snobinard de porter ces liserés après avoir fini dixième la saison précédente. Mais Adidas ne pouvait pas prévoir. Car, en football de haut niveau, les équipementiers conçoivent les maillots deux ans en amont. Pendant que vous lisez ces lignes, Adidas imagine déjà le contenu des armoires olympiennes pour 2014-15.

Ils ne pouvaient pas prévoir, et de toute façon ce liseré ne correspond pas au souvenir du titre de 2010, mais aux grandes années 1971-76.

C’est ainsi que, alors que s’ouvre une période très compliquée (mauvaise saison, actionnaire principal qui purge les comptes et l’équipe, avenir très flou), et pas forcément de courte durée, le club jouira cette saison d’un maillot qui porte en lui la mémoire des deux plus grandes périodes de l’histoire du club.

C’est un maillot plus rassembleur qu’il n’y paraît, caractéristiques que n’a pas le maillot « Domicile » du club cette saison.

Mariant rétro et moderne, ce maillot correspond, aussi, tout à fait à son temps.

Ils en auront bien besoin.


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