21 janvier 2013

Jean-Christophe Grangé, Jan Kounen, Canal + : le ménage à trois à découvrir en deux fois

Pour Jean-Christophe Grangé comme pour Jan Kounen, c’est la première soirée télé. D’ailleurs, il y en aura deux : les lundi 21 et 28 janvier, Canal + diffusera en prime time deux téléfilms qui forment l’adaptation du « Vol des cigognes », le premier roman de Jean-Christophe Grangé. Réalisateur et producteurs utilisent le terme de « minisérie ». Dans le dossier de presse, Kounen explique

Techniquement, c’est une minisérie, mais je l’ai vraiment conçu comme un film de trois heures et dix minutes. Un film de trois heures dis qui n’est pas fait pour être vu d’une seule traite

 

Déjà adapté trois fois au cinéma (« Les Rivières pourpres » en 2000 par Mathieu Kassovitz,  « L’Empire des loups » en 2005 par Chris Nahon, « Le Concile de pierre » en 2006 par Guillaume Nicloux, Jean-Christophe Grangé s’est vu ici approché par un media qui ne l’avait jusqu’ici invité que sur des plateaux télé. Pour Jan Kounen, qui réalisa des clips avant de tourner « Doberman », « Blueberry », « 99 francs » ou encore « Coco Chanel et Igor Stravinsky », c’est aussi la première expérience télévisuelle.

 

Le roman

 

« Le Vol des cigognes » est le premier roman de Grangé, publié en 1994 chez son éditeur de toujours, Albin Michel. Il lui avait été inspiré par un de ses propres grands reportages, en 1991, sur le suivi par satellites de la migration des cigognes. Rappelons qu’avant de devenir serial seller et auteur de thrillers souvent très dignes et appréciés ici, Grangé était grand reporter en free-lance.

 

Avec une intrigue basée sur la migration de ces ciconiidés (un peu de science), le roman ne pouvait bâtir son suspense qu’en promenant héros et lecteurs aux quatre coins du globe : on ira ici de Montreux (Suisse) à Calcutta en passant par Sofia, Israël, la République Centrafricaine, Paris et Bruxelles.

On y suit un doctorant en Histoire, Louis Antioche, à qui un célèbre ornithologue suisse, Max Böhm, propose de suivre la migration de cigognes à travers l’Europe et l’Afrique, afin de chercher à comprendre pourquoi certaines d’entre elles ne sont jamais revenues au printemps dernier. Mais lorsqu’il arrive chez Böhm, le jeune homme trouve ce dernier… au beau milieu d’un nid de cigogne, foudroyé par une crise cardiaque. Immédiatement poursuivi par des tueurs, Antioche doit aussi collaborer avec la police suisse, aussi opaque qu’un compte en banque genevois, et Interpol.

« Le Vol des cigognes » alterne deux trames : d’une part un trafic de diamants, lesquels sont bagués sur les cigognes, un trafic qui met en jeu deux réseaux, l’un entre Europe de l’Ouest et République Centrafricaine, et l’autre entre Europe de l’Est et Afrique du Sud. D’autre part, le vol des cœurs de dizaines de personnes à travers le monde, qui constitue la seconde intrigue. Un homme relie les deux, et ses décisions modifient l’échiquier de tous les trafics. Au milieu : Antioche, qui est en plus totalement amnésique de son enfance, lui dont la famille périt dans un incendie dont il garde des traces sur les mains.

Intrigue efficace narrée par le jeune homme dont elle aussi le récit initiatique, ce livre fut publié à une époque, il y a quasiment vingt ans, où les auteurs français n’œuvraient pas dans le suspense à l’américaine : page turner, intrigue disséminée dans le monde. Quelques années après, en 2000, lorsque fut adapté son deuxième roman « Les Rivières pourpres », Grangé devint l’auteur toujours sur le podium des ventes qu’il est resté.

 

Les voyages firent de Grangé l’écrivain qu’il est. Et le cinéma lui donna le statut qu’il a aujourd’hui.

 

Le Projet

 

Dans le dossier de presse, les producteurs confirment qu’ils ont d’emblée voulu respecter la narration très dense du livre, et l’aspect initiatique : c’est pourquoi ils ont placé le héros, plus amnésique encore que dans le livre, donc sans cesse choqué, dans un état de dépaysement identique à celui du téléspectateur lorsqu’il entre dans les films. Des films qui sont des flots d’informations, d’images, de chocs.

 

Le scénario a d’abord été développé par Grangé lui-même, avant de « passer entre les mains » d’un scénariste américain, Denis Macgrath. Un travail à quatre mains qui dura deux ans, et déboucha sur la recherche d’un financement pour « un projet tourné en anglais et à vocation internationale ».

 

Financement trouvé, le choix du réalisateur se tourna sur Jan Kounen, habitué au polar, et qui dans l’esprit des producteurs (Thomas Anargyros, Edouard de Vésine et la société de Luc Besson, EuropaCorp TV) pouvait comprendre la dimension initiatique du livre.

 

La minisérie

 

Sous l’œil et derrière la caméra de Kounen, la trame est même devenue métaphysique, allumée, hallucinée.

 

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Premier constat : le réalisateur a réussi la gageure de respecter toutes les étapes du récit de Grangé (à part la dernière, ce qui modifie quelques éléments quant à la fin de l’histoire du jeune étudiant). Kounen a bien transposé au XXIe siècle une histoire où il n’y avait ni traçage au GPS, ni smartphone et ni tablettes. Il a donc parfaitement compris, et intégré, que dans un thriller digne de ce nom, tous les détails, toutes les scènes et chaque décor sert à caractériser les personnages. Et avec Grangé, il état servi –en terme de détails et en terme de qualité de mise en scène. Ainsi, les intrigues à tiroir deviennent ici limpides, et rythment un téléfilm qui s’en trouve dopé. Kounen rend parfaitement la dimension paranoïaque propre à tout thriller.

 

La séparation en deux opus (l’un d’une heure et demi, l’autre d’une heure quarante) donne est aussi l’occasion pour Kounen de retarder au maximum la livraison des ingrédients essentiels, et de ne montrer que très tard le nœud qui lie les deux trames.

 

L’une d’elle étant la manipulation des états de conscience par les psychotropes, le cinéaste, dont c’est le péché mignon, pouvait y aller gaiement.

Mais voilà.

Justement.

Les passages allumés sont trop nombreux. Ils en manquent d’utilité, et font perdre du réalisme à la traque du jeune homme, ici appelé Jonathan Anselme avant de retrouver son nom d’origine. Si les deux opus sont tout de même un peu trop long, ils le doivent à ces passages, qui parfois sabordent jusqu’aux transitions entre chaque étape géographique du voyage. Leur absence aurait rendu plus nette, donc justice, une grande réussite du projet : la qualité de jeu des acteurs. Tous.

 

C’est d’autant plus dommage que cette touche allumée est… précisément ce qui manque à Grangé, souvent trop soucieux de métrique scénaristique au détriment des personnages.

 

En fait, ceci est un film. Divisé en deux pour des raisons de grammaire télévisuelle. C’est surtout une adaptation globalement réussie. A saluer car, Grangé est bien placé pour en parler, adapter un thriller à l’écran, c’est comme tout ce qui paraît simple : c’est compliqué.

 

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Lundi 21 et lundi 28 janvier à 20h55 sur Canal+
2 x 90 mn
Réalisé par Jan Kounen
Ecrit par Jean-Christophe Grangé et Denis Macgrath
Adaptation : Jan Kounen et Denis Macgrath
Produit par EuropaCorp Télévision
Avec : Harry Treadaway, Perdida Weeks, Clemens Schick, Danny Keogh, Antoine Basler, Richard Lukunku, Rutger Hauer

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