19 janvier 2013

Des indépendances africaines aux vuvuzelas en passant par Drogba, le foot, les guerres, les canons et la télévision : une histoire de la CAN

C’est ce samedi à 15h30 (heure française) que débutera la Coupe d’Afrique des Nations 2013, à Johannesburg. A 17 heures, ce sera le tout premier match, au stade National : Afrique du Sud – Cap Vert.

A peine rangés les souvenirs de la dernière compétition continentale africaine, qui avait lieu il y a pile un an, et la victoire surprise de la Zambie contre les Ivoiriens de Drogba, qu’on remet le couvert.

Jusqu’ici, la « CAN », comme on l’appelle maintenant, était disputée tous les deux ans, les années paires. Mais il fut décidé, l’an dernier, qu’elle serait disputée les années impaires pour ne pas gêner les pays africains les années de Coupe du monde –laquelle se déroule tous les quatre ans, les années paires. C’est pourquoi on aura le plaisir de suivre une CAN cette année, après quoi on attendra jusque 2015.

En 1996 déjà, un an après avoir organisé la Coupe du monde de rugby, l’Afrique du Sud de Mandela accueillait la CAN. Cette année, c’est la Libye qu’elle devait se tenir, avant qu’elle s’en voit dépossédée pour des raisons évidentes, et redonnée à l’Afrique du Sud dont on savait les infrastructures neuves et rodées, grâce au Mondial 2010.

On retournera donc voir les stades qui accueillirent la Coupe du monde en 2010, ceux-là même où on tomba amoureux de la Roja espagnole, où l’on détesta les Bleus et encore plus Anelka, où l’on se prit de passion pour le Ghana troisième quart de finaliste africain de l’histoire, et où le reste du monde apprit, plus qu’un mot, un son : les vuvuzelas.

Depuis les années 1990 et les résultats sans cesse meilleurs des pays africains en Coupe du monde, les joueurs, qui avaient toujours été nombreux à venir joueur dans des clubs européens, sont devenus des stars au même titre que leurs confrères européens ou sud-américains. Stars, certains sont devenus idoles. De chères idoles. Au dernier classement, nous nous parlions ici, trois joueurs africains figuraient dans dix les plus gros salaires mondiaux : Eto’o (1er), Touré (4e) et Drogba (6e). Si Eto’o ne sera pas en Afrique du Sud (son pays, le Cameroun, ne s’est pas qualifié), les deux autres en seront les stars.  C’est aussi grâce à cette évolution que la CAN, désormais retransmise un peu partout dans le monde, est devenue un enjeu télévisuel.

Des stars qui illustrent que la CAN, c’est aussi une histoire de la mondialisation financière. Mais la CAN, c’est aussi une grande histoire de la géopolitique africaine durant toute la seconde moitié du XXe siècle.

 

Une compétition née avant les indépendances

 

Née avant même que la plupart des pays africains deviennent indépendants, et bien avant que l’Afrique fût représentée en Coupe du monde, la CAN désigne donc la Coupe d’Afrique des Nations, née en en 1957 et organisée par la Confédération Africaine de Football (CAF).

Dans un premier temps, la FIFA recala le projet, « faute de participants » (ils étaient quatre). L’apporteur du projet, l’Egyptien Abdelaziz Abdellah Salem poussa un coup de gueule qui scella la solidarité autour de lui, et fit fléchir la FIFA :

Si nous ne sommes pas tous traités ici sur le même pied d’égalité, il n’est nullement question de notre présence parmi vous

 

Le Soudan accueillit en 1957 une première édition qui réunit les quatre nations fondatrices de la CAF : Soudan, Egypte, Ethiopie et Afrique du Sud. Cette dernière, sous le joug de la  politique d’apartheid mise en place neuf ans plus tôt, proposa d’y envoyer une équipe à 100% composée de blancs, ou uniquement de noirs, mais pas multiraciale. Elle en fut disqualifiée. Cette édition consista en deux demi-finales et une finale. Du fait de l’absence sud-africaine, il n’y eut qu’une seule demie, et se conclut sur la victoire 4-0 de l’Egypte sur le Soudan. Elle conserva son titre deux ans plus tard, dans une édition dont la formule était un mini-championnat entre les trois mêmes pays qu’en 1957. Enfin, pas tout à fait les mêmes, puisque les évènements géopolitiques avaient amené l’Egypte et la Syrie à fusionner pour former une République arabe unie qui exista de 1958 à 1961.

Du fait du coup d’Etat manqué en Ethiopie (celui des frères Mengistu contre l’empereur Sélassié, la CAN 1961 se déroula… début 1962. Neuf participants disputèrent une phase éliminatoire pour désigner les deux pays qui accompagneraient le pays organisateur et le tenant du titre à la phase finale. Ce furent la Tunisie et l’Ouganda. L’Ethiopie gagna la finale devant l’Egypte.

Ce fut ensuite le début de la grande histoire des Black Star (ainsi est surnommée l’équipe nationale du Ghana), qui remportèrent les éditions 1963, 1965, puis 1978 et 1982, terminant finalistes en 1967 et 1970, puis en 1992 et 2010.

 

La CAN : une histoire sportive et géopolitique

 

On notera que, pour la CAN aussi, 1968 changea tout : c’est à compter de cette année que le tournoi eut lieu les années paires. Le Zaïre l’emporta deux fois ces années-là, sous deux noms différents : Congo-Kinshasa en 1968 et Zaïre en 1974.

La vie de la CAN épousa par la suite les soubresauts politiques du continent :

 

  • refus de la République Arabe Unie de participer à l’édition tunisienne de 1965 afin de protester contre le président tunisien Bourguiba, qui prônait l’ouverture du dialogue entre Israël et Palestine
  • absence de l’Egypte  lors de l’édition libyenne de 1982, suite à l’assassinat du président el-Sadate. La même Egypte qui envoya une équipe bis en 1990 en Algérie, qui se tint dans un contexte de montée de l’islamisme et de guerre civile
  • réapparition tardive de l’Afrique du Sud en 1996, après des décennies d’apartheid. Un tournoi organisé au pays de Mandela, et que remporta l’équipe nationale organisatrice. Ainsi, six mois après avoir remis la Coupe du monde de rugby 1995 au capitaine blanc des Spingboks, François Pinaar, le président Mandela remis le trophée de la CAN à un autre capitaine blanc d’une équipe nationale sud-africaine : Neil Tovey. Tout un symbole.

 

Aux débuts de la CAN, les règlements du football continental n’y autorisaient que les joueurs qui jouaient dans un club de leur pays. En 1967 puis surtout en 1982, la CAF autorisa tous ceux qui jouaient à l’étranger, à y participer. La compétition gagna alors en qualité sportive, du fait de la présence de joueurs qui, à présent, partaient de plus en plus tôt jouer pour un club européens. Au fil du temps apparut une génération de joueurs africains qui étaient nés en Europe : certains continueraient à jouer pour le pays d’origine, d’autre pour leur vrai pays, celui de naissance : c’est le cas des frères Boateng, dont l’un joua pour le Ghana et l’autre pour l’Allemagne, et qui se trouvèrent même opposés dans un match de la dernière Coupe du monde.

 

La Tunisie seule représentante du printemps arabe

 

C’est Égypte détient le record de victoires avec sept titres. Suivent : Ghana et Cameroun (quatre, mais le premier fut aussi quatre fois finaliste). Nigeria et République démocratique du Congo (deux). Côte d’Ivoire, Soudan, Tunisie, Maroc, Algérie, Afrique du Sud, Éthiopie, Ouganda, Guinée, Libye, Sénégal, Congo, et récemment Zambie en remportèrent une.

Ironie du sort : lors de l’édition 2012, et alors qu’elle état triple tenante du titre (2006, 2008 et 2010), Égypte fut absente alors que les deux autres pays à avoir connu un Printemps arabe, la Tunisie et la Libye, étaient présents. Cette année, seule la Tunisie représentera les récents mouvements révolutionnaires.

On se rappelle que les heurts au Mali avaient commencé quelques semaines avant l’édition 2012, et que la belle troisième place obtenue par la sélection malienne lors du tournoi avait contribué à calmer, un temps, les esprits.

Cette année, la vingt-neuvième édition de la CAN se dispute dans un contexte à nouveau éminemment politique : le Mali coupé en deux, le contexte électoral du pays organisateur (présidentielles à venir), la grève de mineurs si durement réprimée par la police à Marikana dans ce même pays.

 

Un enjeu télévisuel

 

Depuis les années 2000, et le statut de stars planétaires qu’acquirent Samuel Eto’o (joueur le mieux payé au monde depuis 2011), de Didier Drogba, de Yaya Touré, et à une moindre échelle de Younes Belhanda (Maroc), d’Emmanuel Adebayor (Togo), de Victor Moses (Nigeria), de Gervinho (Côte d’Ivoire) ou de Mohammed Sissoko (Mali), la compétition continentale a acquis une aura mondiale. A aura mondiale, couverture internationale.

Auparavant très peu médiatisée, et encore moins retransmise à la télé, la CAN est devenue un enjeu télévisuel pour les chaînes à vocation sportive. En 2010 et 2012, Orange diffusa les matches en direct en France. Cette année, le groupe Canal° diffusera l’intégralité de la compétition. Les droits télé des CAN 2013 et 2015 avaient déjà été achetés par Direct8, depuis tombée dans le giron Canal. C’est ainsi que, contre 8 M€, le groupe diffusera toutes les compétitions labellisées « CAF » jusqu’en 2016.

Vous regarderez donc un peu de la CAN 2013 gratuitement (les matches diffusés par D8, dont le match d’ouverture ce samedi, un quart, une demie et la finale), et beaucoup en passant par le péage (tout le reste sur Canal+ et Canal+ Sport).

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