25 avril 2013

Football : la semaine où la révolution est devenue allemande ?

Saluons l’importance de ce que nous avons vécu cette semaine, durant Bayern Munich-FC Barcelone, puis Borussia Dortmund-Real Madrid. La révolution a pris une nouvelle direction : celle de l’Allemagne. Aujourd’hui, la révolution a des couleurs rouge, jaune et noir. Le rouge du Bayern Munich, le jaune zébré du Borussia Dortmund.

A cela, deux dates importantes.

Deux étapes : mardi 23 avril 2013, Munich, et 24 avril de la même année, Dortmund. Deux soirées immenses. Neuf buts et une ambiance de grande fête.

 

Certes, ne qualifions pas les deux clubs allemands avant la fin des matches retour, mais ce 4-0 et ce 4-1 ne sont pas que du football. Ils signent un football d’après. Dont les prémices datent de 2006-2010, période où Joachim Löw changea le jeu d’une Nationalmannschaft do t il prenait alors les rênes.

 

Souvenez-vous. Avant, il y avait le jeu teuton, rarement beau souvent rigide, et plus souvent encore vainqueur. Vous avez aimé, vous le jeu des Allemands en 1990, en 1996 ? Ca, c’était quand on disait :

 

Le football est un jeu qui se joue à onze contre onze, et à la fin c’est toujours l’Allemagne qui gagne

 

De la Deutsche technologie à la révolution

 

Ça, c’était avant. Car d’une part, depuis le début du millénaire, l’Allemagne n’a pas gagné. Et d’autre part, elle joue. Vite, beau, bien. En 2008, en 2010, en 2012, et même en 2006. Elle arrive en demies, en finale, et perd. Comme le Bayern, finaliste de la Champions League en 2010 et 2012, mais qui, lui, l’avait remportée en 2001. Comme Dortmund, qui depuis deux ans a le plus beau public d’Europe, et pratique le football le plus… barcelonais. Cette semaine, les grands d’Espagne sont tombés. Comme un symbole, le Barça fut mis KO durant quatre-vingt-dix minutes par le club qui, la saison prochaine, sera entraîné par le gardien de l’âme du football blaugrana depuis les années 1990. Son Moïse. Qui, en catalogne, se nomme Pep Guardiola. Lequel sera désormais bavarois. Oui, la révolution semble avoir changé d’axe, et nous l’avons vécu en direct.

 

 

Car c’est bien de cela dont on parle : de football total. Un football qui, mardi et mercredi, fut joué par un Bayern l’ayant accommodé à sa sauce (solidité à tous les postes, omniprésence dans les couvertures, les interceptions, les duels et les impacts), et par un Borussia qui fut quasi brésilien. Dans le premier cas, c’est une énorme performance collective. Dans le second, il en est de même, avec en sus un Marco Reus royal et le quadruplé inédit d’un homme qui, hier, marcha sur l’eau avant de marcher sur Madrid : Robert Lewandowski, crédité de la note dantesque de 10 par L’Équipe de ce jour.

 

Les Hollandais, premiers libertaires de l’histoire du football

 

Pour bien considérer l’importance de ce que nous avons vu hier et avant-hier, il faut bien avoir à l’esprit l’histoire de la révolution dans le football. Elle survint à l’orée des années 1970. Jusqu’alors, on distinguait trois philosophies de jeu :

  • le « football champagne » à la brésilienne (Garrincha, Pelé, Jairzinho), un football pur, pratiqué par des étoiles, parfois égalé (le Barça 2005-2006?; la France de 1986), jamais dépassé, sinon par la Seleçao elle-même (celle de Zico et Socrates)
  • le football en béton armé, que pratiqua une colonne de panzers déguisée en équipe nationale ouest-allemande (Breitner, Müller, Beckenbauer), qui ramena la fatalité dans le ballon rond mondial, et pour qui on inventa la formule citée plus haut
  • le style British Air Force, fait de transversales, de chandelles et de contre-attaques : le fameux kick and rush britannique

 

Puis soudain elle arriva. Une véritable armada batave, appelée plus tard « les Oranje », représentée par l’Ajax Amsterdam puis par tout un peuple, et guidée par une idée : le football total. Ou la révolution permanente du football. C’est un jeu fondé sur le mouvement incessant, sur une stratégie où les défenseurs montent à l’attaque. Dans ce jeu, chacun tient son rôle (défenseur, récupérateur, buteur) mais tous peuvent être possiblement passeurs, voire buteurs. Un jeu aux idées longues, pratiqué par des têtes à cheveux longs. Un inventeur : Rinus Michels. Un chef d’orchestre : Johan Cruyff, le dieu de tout amateur de foot, de rock, de riffs et de champagne.

 

Les Oranje furent les premiers footballeurs libertaires de l’histoire. À l’instar de tous les libertaires, ils furent vaincus au seuil de la victoire magistrale : deux fois battus en finale de la Coupe du monde (1974, 1978), après avoir gagné l’Europe trois fois grâce à l’Ajax d’Amsterdam, vainqueur de la Coupe d’Europe des clubs champions en 1971, 1972 et 1973.

 

S’il fut magistralement exécuté par Michels, le terme de « football total » est néanmoins une trouvaille de l’hebdomadaire France Football, et plus précisément de son directeur de la rédaction de l’époque, Jacques Thibert. Voici comment, trente ans après l’avoir créé, Rinus Michels le définit :

 

À la base, le football total nécessitait deux choses. D’abord, des qualités individuelles au service de l’efficacité collective. Ensuite, l’utilisation de cet esprit d’équipe pour développer une ligne tactique et une maturité collective. Parce que la tactique établit le mouvement, l’efficacité et la coordination entre les joueurs. Ça paraît évident aujourd’hui, mais, à l’époque, c’était révolutionnaire?

 

L’axe Amsterdam-Barcelone, seule trace d’une révolution permanente dans le football

 

Ce fut une révolution, et elle est devenue permanente. Nous l’avons vu,  Johan Cruyff fait partie intégrante de cette épopée. Il en est désormais la figure tutélaire. La révolution est une ligne qui va d’Amsterdam à Barcelone : Michels créa le football total dans la capitale hollandaise, avec Cruyff à la baguette. Le premier entraîna ensuite le Barça, où le second le rejoignit. Lequel entraîna ensuite le club catalan dans les années 1990. Dans la dream team barcelonaise d’alors, un milieu de terrain du nom de Josep Guardiola. Qui, entre 2008 et 2012, entraîne l’équipe barcelonaise. Avec elle, il a gagné deux Champions League et bien d’autres titres, dont celui de « plus belle équipe de tous les temps ».

 

 

Guardiola appliqua à son équipe ce que lui-même apprit de son entraîneur. Désormais, c’est au Bayern Munich qu’il la pratiquera, assurément. Le Bayern qui, mardi, atomisa l’équipe catalane, dans le jeu et dans le score.

 

Guardiola est le trait d’union entre Cruyff et Messi. La révolution est donc permanente, et nul besoin d’être trotskyste pour y croire. Désormais, force est de constater qu’elle passe par un pays où on ne l’attendait pas : l’Allemagne. Dortmund et Munich étant devenus deux points cardinaux de la nouvelle constellation de la révolution.

 

Vérification dès les matches retour, la semaine prochaine.

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