04 juillet 2013

Football : il y a soixante ans, la chute de l’empire hongrois

Il est des pays où le 4 juillet est une fête (Etats-Unis), et d’autres où c’est une commémoration. C’est le cas de la Hongrie.

Et comme toutes les tragédies, cela commença comme dans un rêve. Ce 4 juillet 1954, au bout de huit minutes de jeu, la Hongrie menait 2-0 : buts de Puskas (6e) et Czibor (8e). Une heure trente et des trombes d’eau plus tard, elle avait encaissé trois buts.

Et l’improbable s’était produit : les « Magiques Magyars » avaient perdu une Coupe du monde qu’ils avaient survolée. Sombré face à la République Fédérale d’Allemagne, qu’ils avaient pourtant étrillée durant la première phase de la compétition. Ce 4 juillet 1954, on découvrit la fatalité teutonne dans le football. Celle que, vingt ans après, vécurent les « Oranje » de Cruyff face aux mêmes adversaires. Celle de l’Allemagne qui gagne toujours à la fin.

 

La naissance d’un empire

 

« Chaque amateur de football possède deux patries : la sienne et la Hongrie », écrivit Antoine Blondin, ce 8 octobre 1956. Juste avant l’insurrection de Budapest.

En effet, avant le Brésil des années soixante, avant les Pays-Bas des années soixante-dix, il y eut la Hongrie des années cinquante.

 

Ce « Onze d’or » fut bâti principalement à partir du Drapeau Rouge et du Honved, deux équipes de la capitale Budapest. Deux clubs, le premier surtout, s’appuyant sur une génération offensive et dorée de footballeurs, que va unir Gusztav Sebes en équipe nationale : Ferenc Puskas, Jozsef Bozsik, Laslo Budaï, Sandor Kocsis, Nandor Hidegkuti, Jozsef Zakarias, Gyula Lorant, Mihaly Lantos sur le terrain, et Giulya Grosics dans les buts. De ce pays dont le dictateur d’alors, Matyas Rakosi, fut un des pires du bloc de l’Est, les sorties de son équipe nationale donnèrent du pays une image poétique et légère, parfait opposé des pratiques du régime. La Hongrie remporta les Jeux Olympiques de 1952 à Helsinki. Les premiers auxquels participa l’URSS. Déjà, les footballeurs défiaient le régime soviet.

 

L’histoire continua par la victoire historique, et fondatrice, de Wembley. Le 25 novembre 1953, la Hongrie devint la première équipe non britannique à battre l’Angleterre sur son auguste pelouse, lui administrant une raclée historique : 6-3. Rebelote le 23 mai 1954 au Nepstadion de Budapest, sur le score dantesque de sept buts à un. Le milieu anglais Billy Wright dira :

C’était effrayant. Ils faisaient des choses avec la balle que nous n’avions jamais vues avant

 

Le premier football total

 

Le sélectionneur hongrois Sebes créa un « football total » avant l‘heure : un gardien en position avancée, quatre défenseurs, deux milieux, quare attaquants. Chez lui aussi, tout le monde attaquait, tout le monde défendait. Pour Sebes, il ne s’agissait pas de football total mais de « football communiste ».

La Hongrie devint l’équipe au football le plus fluide, avec des joueurs qui furent les plus élégants de leur temps. C’est grâce à cette différence entre leur système de football et le système politique de leurs dictateurs que le « Onze d’or » devint alors, et à jamais comme l’aventure la plus romantique du football. De 1950 à 1954, ce fut la meilleure équipe du monde : trente et un match sans défaite en quatre (dont vingt-sept victoires), surclassant les meilleures formations du continent. Nul doute, la Hongrie allait remporter la Coupe du monde 1954 en Suisse.

 

Le romantisme magyar victime du « miracle de Berne »

 

Qu’elle commença d’ailleurs en administrant deux raclées à la Corée du Sud (9-0) et, plus marquante encore, contre la R.F.A. (8-3). Il y eut ensuite deux victoires 4-2 face au Brésil, puis, après prolongations, face aux tenants du titre uruguayens.

 

Sauf que : lors du match contre les Allemands, Ferenc Puskas, plus beau et meilleur joueur du monde à l’époque, s’était blessé à la cheville. Jusqu’au dimanche 4 juillet au matin, personne n’était certain qu’il pourrait tenir sa place en finale.

Face aux Allemands de l’ouest. Encore.

 

Néanmoins, lors de leur entrée sur la pelouse, les Hongrois étaient bel et bien guidés par le capitaine Puskas. Les Allemands, eux, par Fritz Walter.

Tout se déroula donc comme prévu : 2-0 en huit minutes. Aucun doute sur la victoire.

Mais le fatalisme s’éleva contre le romantisme, lequel en 1954 n’était pas allemand. A la dix-huitième minute de jeu, la R.F.A. avait égalisé. Sous une pluie redoublant, les Allemands tenaient debout en crampons Adidas. Les Hongrois, moins bien chaussés, tombaient et se blessaient. La pluie noya toute magie. A six minutes de la fin, Helmut Ranh devint un héros d’outre-Rhin, inscrivant le troisième but de son équipe (son second personnel). Quelques instants plus tard, l’arbitre refusa à Puskas un but valable, et du même coup l’égalisation.

C’était fini. C’était une folie. La finale de la cinquième Coupe du monde de football devint « le miracle de Berne » pour les Allemands, et la descente aux enfers des Hongrois.

Même si elle refit une série de dix-huit matchs sans défaite jusqu’en 1956, la Hongrie ne se remit jamais du 4 juillet 1954. La suite appartient au courage du Honved, à Puskas, Kocsis et Czobor, qui combattirent la dictature balle au pied, défiant leur gouvernement jusqu’en Amérique du Sud et en Espagne. Mais c’est une autre page de l’histoire.

 

Une histoire qui fait de la Hongrie une pure page de poésie.

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