26 décembre 2012

Le Boxing Day, la pâque du football en plein Noël

Durant les fêtes, les footballeurs européens font comme tout le monde : ils mangent, boivent, ripaillent, offrent et reçoivent des cadeaux, et prennent quelques vacances. Tous ? Non. Sur une île nommée Angleterre, certains mangent, boivent, ripaillent, offrent et… jouent. Car sur cette île, ce sont au minimum trois journées de championnat qui se déroulent entre le 26 décembre et le 2 janvier. Chaque année. Quand on sait que la Premier League est le plus relevé des championnats européens, on prend conscience de l’intensité de la fête.

Oui, au pays du kick and rush, on mouille le maillot même en décembre. Ainsi, pour les dizaines de milliers de supporters britanniques, et pour les quatre millions de téléspectateurs qui suivent le championnat anglais à la télévision, la Premier League devient-elle une pâque durant les fêtes de Noël.

 

Qu’est-ce que le « Boxing Day » ?

 

C’est « le jour des boîtes ». Des boîtes qui font référence à celles qui recueillent l’aumône des croyants dans les églises, mais aussi à celles que les domestiques présentaient à leurs maîtres au XIXe siècle, pour recevoir quelques étrennes. Comme Noël, le Boxing Day est férié : le 26 décembre, les trains ne roulent pas. Mais les footballeurs travaillent, car il y a une journée de Championnat, de tout aussi bon niveau que les autres. En matière de football, le 26 décembre anglais revêt donc une dimension sacrée : il relie le football à son histoire sociale. En effet, à la fin du XIXe siècle, le 26 décembre était déjà férié, pour permettre aux domestiques des maisons bourgeoises d’avoir un jour de repos après une période où ils avaient redoublé d’efforts. C’était alors leur seul jour de repos annuel. Et que faisaient-ils ? Ils allaient au match. D’autant plus joyeusement que le football était un sport tout neuf. Ainsi, dès la naissance de la League anglaise, en 1888, les stades furent pleins lors du Boxing Day. Pour forcer le trait, les dirigeants décidèrent même de multiplier les matchs durant cette période : on joua alors un match aller le 25 décembre, et le match retour le lendemain. En 1919, après la Grande Guerre, les clubs disputèrent même trois matchs entre le 25 et le 27 décembre ! Les adversaires passaient trois jours entiers ensemble, enquillant les pintes et faisant parfois dortoirs communs, incapables de reconnaître le leur. « Boxing Day » désigne donc une journée, mais dans l’esprit de tous, il marque surtout l’ouverture d’une grande semaine, où l’on ne pense qu’au football. Elle débute toujours le 26 décembre, jour réel du Boxing Day, et finit le 1er ou le 2 janvier. C’est un cadeau offert aux supporters. C’est la preuve que l’Angleterre a réellement la culture du foot, lequel est présent partout, tout le temps.

 

Le Boxing Day à l’heure du foot business

 

Pour le meilleur et pour le pire, on le sait, l’Angleterre est le navire amiral du foot business. Ce, depuis que les lois de Margaret Thatcher (Public Order Act de 1986, rapport Taylor de 1990) criminalisèrent les hooligans tout en écartant les supporters populaires des stades. Comment ? En augmentant drastiquement le prix des places pour financer la réfection et la sécurisation des tribunes. Les incitations thatchériennes d’alors à transformer le football en industrie de loisir, couplées à cette mutation des enceintes, attira un nouveau genre de partenaires dans le football, qui seraient des oligarques, des industriels ou des magnats de la presse. A la tête desquels Ruppert Murdoch, dont la chaîne BSkyB racheta en 1992, et pour 300 millions de livres sterling, le droit de retransmission de certains matches pour une durée de cinq ans. La League nationale prit le nom de FA Premier League, et devint un spectacle télévisuel autant qu’une messe populaire. La télé venait de récupérer ceux que les prix de Thatcher avaient chassés des stades.

Et pour Murdoch aussi, le Boxing Day est un spectacle qui rapporte. Ainsi, cette semaine qui relie le foot anglais à son histoire sociale le relie aussi au foot business.

 

Le Boxing Day 2012

 

En général, tous les clubs alternent le meilleur et le pire durant ces trois matches si rapprochés. Impossible de gagner toutes les rencontres. Tous connaissent des embuches. Certains ont perdu le titre durant cette semaine-là. C’est aussi une période où l’on vérifie l’importance d’un effectif aussi pléthorique que la masse salariale : il est indispensable de faire tourner. Cette accumulation intense de rencontres permet de débusquer les équipes qui n’ont pas les muscles pour aller jusqu’au bout.

Trois journées de Premier League auront lieu ce 26 décembre, le 29 et… les 1er et 2 janvier. Pas de grandissime choc, ce qui est pourtant le cas en général. Notons quelques matches croustillants, que le passionné ne ratera pour rien au monde : ce mercredi, le Manchester United de Patrice Evra jouera à 16 heures contre un Newcastle sans Ben Arfa ni Cabaye. Le derby londonien Arsenal-West Ham a été annulé suite au préavis de grève dans le métro de la capitale. Des Gunners qui joueront le 29 contre Newcastle, quand Chelsea se déplacera à Liverpool pour affronter Everton.

Cette absence de grandes affiches va d’ailleurs dans le sens de ceux qui s’élèvent contre cette tradition anglaise. De nombreux entraîneurs pensent en effet que l‘absence de vacances d’hiver pour les joueurs britanniques est responsable des déboires de l’équipe nationale d’Angleterre dans les grandes compétitions internationales. Ils pensent surtout que sans cette intense période d’activités, les clubs anglais iraient plus loin encore en Coupes d’Europe.

En revanche, les entraîneurs montent régulièrement au créneau pour tenter d’en finir avec cette tradition, qu’on rend volontiers, les joueurs étant privés du repos nécessaire au début de l’hiver. Par exemple, lorsqu’ils affronteront le Real Madrid en huitième de finale de la Champions League, le 13 février prochain, les mancuniens d’United auront disputé deux matches de plus que leurs adversaires du jour. Pendant le Boxing Day.

Le football n’est d’ailleurs pas le seul sport à garder le rythme pendant les Fêtes, agrémentées également de matchs de rugby et de courses de chevaux. C’est ça l’Angleterre, c’est kick and rush, c’est le sang et les larmes, c’est la tradition dans la modernité. Et le football, c’est précisément cela aussi…

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